Avec la remise en cause du remboursement de l’homéopathie par le gouvernement français, les Laboratoires Boiron vivent un moment particulier de leur histoire. Après la chute des ventes d’homéopathie à non commun, l’heure est au plan social. Un quart des effectifs français sont concernés. A moins qu’un revirement législatif de dernière minute n'intervienne. Mais le groupe n’a pas attendu pour se diversifier. Entretien avec la nouvelle directrice générale de Boiron, Valérie Lorentz-Poinsot.  

Valérie Lorentz-Poinsot, quel impact constatez-vous et attendez-vous d’un déremboursement partiel et bientôt total de l’HNC en France ?

"L’impact a démarré en mai-juin 2018 lorsque la ministre de la santé d’alors a remis en question l’efficacité de l’homéopathie et donc son remboursement. Cela a libéré une parole hostile à l’homéopathie, appuyé par une logique d’économies pour la Sécurité Sociale absurde. Au total, l’impact sur le CA cumulé sur 2018-2021 devrait approcher les 120 M€, avec des conséquences opérationnelles en termes d’activités encore plus importantes qui nous imposent un ajustement à hauteur d’un quart des effectifs français. Le PSE que nous allons lancer dans les prochaines semaines et qui prend en compte le passé, le présent (les ventes sont actuellement sur une tendance de -16% en France) et l’avenir, prévoit la suppression de 646 postes et la création de 134 postes. Certains sites de production et de préparation-distribution vont donc fermer à partir de janvier prochain. Si la fin du remboursement est abandonnée d’ici là nous reverrons les modalités du plan et pourront certainement moins supprimer de postes."

Histoire de Boiron

Malgré la double crise que le groupe traverse, le chiffre d’affaires global et le résultat opérationnel courant du Groupe ont bien résisté au 1er semestre. Est-ce à dire que le ROC pourrait fortement rebondir sur les prochains semestres ?

"Depuis 2 ans, le Groupe a réalisé des économies de charges opérationnelles pour un montant de 15 M€ en 2019 et de 15 M€ en 2020, dont 12 M€ dès le 1er semestre. Les effets de ces plans d’économies seront pleinement ressentis en 2021. Par ailleurs, le PSE que nous avons annoncé devrait nous coûter de l’ordre de 59 M€, décaissés tout au long de l’année 2021, avec des économies constatées pour 50% en 2021 et totalement à partir de 2022. La principale inconnue est donc l’activité, avec cet impact négatif du déremboursement en France qui est certain alors que le maintien de l’excellente dynamique aux Etats-Unis, qui nous a apporté 20 M€ de CA supplémentaire au S1 par rapport à 2019, sur le reste de l’année n’est pas acquis. Il y a eu là-bas, peut-être plus qu’ailleurs, un fort besoin de naturalité, de se soigner sans nuire, mais les ventes restent liées au pouvoir d’achat et aux pathologies, ce que nous ne maîtrisons absolument pas. Enfin, je rappelle que le dernier trimestre est décisif dans notre métier avec l’arrivée de l’hiver."

 A quelle évolution stratégique les difficultés du Groupe en France appellent-elles ?

"Tout d’abord, il s’agit de passer le cap difficile en France. Je demande solennellement au Président Macron, qui est revenu sur certaines mesures écologiques fortes, de revenir sur ce projet de déremboursement total au 1er janvier prochain. Il faut savoir, et une étude qui le prouve sortira prochainement, que maintenir à 15% est totalement neutre pour les comptes de la Sécurité Sociale puisque la franchise médicale de 50 centimes couvre plus que les 15% du prix d’un tube d’homéopathie à 2,5€. Revenir sur cette mesure donnerait en revanche un signal favorable aux mutuelles qui prennent en charge les 85% restant. Je rappelle que notre pétition a rassemblé plus de 1,3 million de signatures et que des centaines d’emplois sont en jeu, ainsi que la santé des Français qui se tourneront davantage vers des anti-dépresseurs en ces temps difficiles.

Notre deuxième axe stratégique, dont l’horizon est plus lointain, reste le développement à l’international. Ce dernier a pris du retard avec la pandémie, tout particulièrement en Asie. La Russie fait également preuve de protectionnisme, ce qui ne facilite pas nos développements là-bas.

Enfin, notre développement organique passe par la sortie de nouveaux produits en homéopathie, que nous allons travailler à crédibiliser sous de nouvelles formes, mais également en dehors de l’homéopathie du moment que nous apportons des traitements efficaces et sûrs aux patients. Des annonces interviendront dans ce sens dans les prochains jours."

Carte d'identité de Boiron

Boiron, qui dispose de plus de 200 M€ de trésorerie, se heurte à des prix élevés dans sa recherche d’acquisitions. En attendant, le rachat par Boiron de ses propres actions ne serait-il pas la meilleure affaire ?

"Nous avons déjà réalisé deux programmes de rachat d’actions sur les dernières années, le dernier en 2018 pour un montant de 64 millions d’euros, et rien n’est prévu à ce stade."

L'évolution du cours de Boiron sur 5 ans (Source Zonebourse)