Paris (awp/afp) - Après Carrefour ou Tesco, c'est au tour d'Auchan de quitter le marché chinois, l'Empire du Milieu "inspirant" mais "très spécifique": le distributeur français a annoncé lundi la cession de sa filiale chinoise SunArt au géant du e-commerce Alibaba, contre quelque trois milliards d'euros.

"Trois ans après la signature d'une alliance" avec Alibaba et après avoir "conjointement constaté la spécificité du marché chinois, Auchan Retail, la branche distribution du groupe, a accepté la proposition faite par Alibaba de rachat de la totalité de sa participation dans SunArt (484 hypermarchés, 150.000 collaborateurs, leader en part de marché alimentaire en Chine)", a expliqué le groupe français dans un communiqué.

"Depuis 20 ans, en lien étroit avec nos partenaires locaux Ruentex et Alibaba et grâce à l'engagement de nos équipes chinoises, nous avons accompagné le développement de nos activités dans ce pays. Marché inspirant, il n'en reste pas moins très spécifique" et "Alibaba nous est apparu comme le plus à même de faire grandir SunArt", a affirmé Edgard Bonte, président d'Auchan Retail, cité dans le communiqué.

Le PDG d'Alibaba Daniel Zhang a expliqué dans un autre communiqué qu'"alors que la pandémie COVID-19 accélère la numérisation des modes de vie des consommateurs", cette acquisition va "renforcer notre vision du nouveau commerce de détail et permettre de servir plus de consommateurs avec une expérience pleinement intégrée".

"L'opération se fait au prix équivalent de 8,10 dollars de Hong Kong par action et fera l'objet d'une offre publique d'achat sur cette base", a précisé Auchan. Son président a aussi souligné que cette cession offrirait à son groupe "des moyens financiers pour se désendetter", pour saisir de nouvelles opportunités et "se développer dans de nouveaux pays".

Ecosystème Alibaba

SunArt avait été créée par Auchan en 2000 avec Ruentex Group et ils avaient été rejoints par Alibaba en 2017. Auchan détenait un peu plus de 36% et avait le contrôle de l'entreprise.

"Auchan est loin d'être le premier distributeur à être allé puis à s'être retiré de Chine; on pense à Carrefour ou Tesco récemment", rappelle Yves Marin, expert du secteur de la distribution au sein du cabinet Bartle. "Ils font le constat d'un marché certes attractif, avec une classe moyenne en plein essor et qui consomme beaucoup, mais qui reste difficile car très fragmenté et très régionalisé."

Carrefour avait cédé sa filiale locale au géant Suning contre environ 615 millions d'euros en septembre 2019, tandis que Tesco avait cédé ses parts dans une coentreprise locale, Gain Land, à son partenaire China Resources Holdings en février dernier contre 275 millions de livres.

"Il y a beaucoup d'acteurs, pas de vrais leaders, des acteurs régionaux qui ont des positions fortes sur des petits territoires...", poursuit Yves Marin, évoquant un secteur qui n'a pas été consolidé, contrairement à celui du commerce en ligne.

"Apporter davantage à SunArt passait par une intégration, notamment technologique, plus importante dans l'écosystème Alibaba", avait d'ailleurs relevé auparavant une source proche du dossier à l'AFP.

Selon elle, l'opération "ne remet en aucune manière en cause, ni les démarches de transformation engagées dans le plan Auchan 2022, ni les projets de désendettement de 2 milliards d'euros annoncés en août".

Le groupe de distribution a annoncé un premier volet de son plan de "redressement" au printemps 2019, avec la cession de 21 sites concernant potentiellement entre 700 et 800 salariés. Puis il a lancé en janvier un plan de départs volontaires, qui épargnait les magasins, avec la suppression de plus de 500 postes.

Début septembre, le groupe a présenté la seconde étape de ce plan, qui passe par 1.500 nouvelles suppressions de postes.

Au premier semestre 2020, la rentabilité d'Auchan a progressé de 79%, mais le résultat opérationnel reste négatif. Présent dans 14 pays, Auchan Retail (distribution) est un des deux piliers, avec Ceetrus (immobilier), de Auchan Holding, propriété de l'Association familiale Mulliez.

Auchan Retail compte 2.293 points de vente et emploie 329.694 collaborateurs.

Le géant chinois du commerce en ligne Alibaba affiche de son côté un dynamisme insolent. Il a ainsi annoncé en août dernier une hausse de 34% de ses ventes au premier trimestre de son exercice décalé, grâce à l'explosion des dépenses sur internet malgré l'impact économique du coronavirus.

afp/rp