PARIS, 29 novembre (Reuters) - Les fuites de gaz radioactifs survenues au sein de la centrale nucléaire de type EPR de Taishan, en Chine, sont potentiellement dues à un défaut de conception de la cuve du réacteur, selon des informations diffusées par la Commission de recherche et d'information indépendantes sur la radioactivité (Criirad), qui dit les avoir obtenues auprès d'un lanceur d'alerte.

TNPJVC, responsable de l'exploitation de la centrale et coentreprise détenue par China General Nuclear Power Group - ou CGN (70%) - et par EDF (30%), a procédé début août à l'arrêt du réacteur n°1 de Taishan, au sein duquel des fuites de crayons de combustible responsables d'une accumulation de gaz rares avaient été détectées.

La Criirad indique dans un courriel adressé à l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) que, selon des informations transmises par un lanceur d'alerte, "la nature des dégradations constatées sur les assemblages de combustible nucléaire déchargés du réacteur Taishan 1 indiquent qu'elles sont dues principalement à des vibrations anormales des assemblages (...)".

Dans ce document daté du 27 novembre, dont Reuters a obtenu une copie, l'association - créée au lendemain de la catastrophe de Tchernobyl et qui revendique une expertise indépendante face aux exploitants - précise que "ces vibrations seraient liées à un défaut de conception de la cuve de la filière EPR".

La Criirad ajoute que, "si elles sont avérées, ces révélations posent de sérieuses questions en terme de sûreté nucléaire et de radioprotection, tant pour les travailleurs de la centrale que pour les riverains" et souligne qu'un défaut de conception de la cuve des réacteurs EPR pourrait hypothéquer le démarrage des unités en construction en France (Flamanville 3) et en Finlande (Olkiluoto).

Elle adresse en conséquence une liste de questions à l'ASN lui demandant de préciser les informations dont elle dispose sur le problème rencontré à Taishan et son impact potentiel sur l'EPR de Flamanville.

La Criirad demande aussi à l'ASN de lui faire connaître les conséquences qu'elle en tire sur la conception de "l'EPR 2", présenté comme plus simple et moins cher à construire et dont la filière française prône six unités dans le cadre de la relance du nucléaire annoncée par Emmanuel Macron.

Bruno Chareyron, directeur du laboratoire de la Criirad, a précisé que le lanceur d'alerte sur lequel s'appuie l'association est un Français qui travaille dans l'industrie nucléaire et a accès à des éléments techniques précis sur la situation du réacteur n°1 de Taishan.

L'ASN a jugé prématuré de se prononcer sur la cause des problèmes identifiés à Taishan.

"Il n'est pas question pour nous de prendre une position à un stade qui est encore en cours en termes d'analyse. Mais ce sont effectivement des questions auxquelles il faudra répondre, en termes de sûreté, le moment venu", a déclaré à Reuters son directeur général adjoint, Julien Collet.

"Le premier but aujourd'hui, c'est de comprendre les phénomènes qui sont intervenus sur le réacteur. Ensuite, pour EDF, cela va être de regarder si ces phénomènes concernent également Flamanville 3, et le cas échéant, de proposer des dispositions pour éviter qu'il y ait des endommagements du combustible sur son réacteur."

EDF, sans se prononcer sur les éléments de la Criirad, a de son côté fait savoir que le travail d'inspection du combustible et de la cuve du réacteur était toujours en cours. "L'origine de l'inétanchéité de crayons combustibles ne sera déterminée qu'au terme de ces expertises", a ajouté une porte-parole du groupe. (Reportage Benjamin Mallet ; édité par Jean-Michel Bélot)