Sermaises (awp/afp) - Après l'acquisition du groupe français Chryso et l'intégration attendue d'ici la fin 2022 de l'américain GCP Applied Technologies, le fabricant français de matériaux Saint-Gobain affiche ses ambitions. Le groupe vise désormais le 2e rang mondial de la chimie de construction, derrière le zougois Sika, afin de "décarboner" un secteur en pleine mutation.

"40% des émissions de gaz à effet de serre mondiales viennent de la construction, et on peut répondre à ces problèmes avec la chimie du bâtiment, un secteur en pleine croissance", a déclaré mardi à la presse David Molho, directeur général des Solutions hautes performances de Saint-Gobain lors d'une visite de presse du site de Chryso, à Sermaises dans le Loiret.

La chimie de la construction basée sur des adjuvants et des additifs permet à l'industrie du bâtiment d'imperméabiliser, de fixer, protéger, renforcer ou isoler aussi bien les façades que les fondations ou les enduits et mortiers, et de décarboner les ciments et bétons, très émetteurs de gaz à effet de serre.

Sur un marché mondial estimé entre 80 et 90 milliards d'euros, en croissance de 6 à 8% par an, Saint-Gobain espère peser "environ 4 milliards d'euros" dans ces activités une fois intégré GCP, a indiqué M. Molho, contre près de 3 milliards actuellement. Soit derrière le numéro un mondial de la chimie de construction, le zougois Sika, qui vient lui de racheter l'ancien numéro deux mondial, l'allemand Master Builders Solutions, en novembre 2021, pesant quelque 10 milliards d'euros au total. Saint-Gobain avait pour mémoire tenté, sans succès, de s'emparer du groupe de Suisse centrale.

Mouvement de consolidation

"Il y a une incroyable consolidation dans le secteur", a commenté Thierry Bernard, directeur général de Chryso, créé il y a 80 ans, et passé dans le giron de Saint-Gobain en septembre 2021. "Nous avions besoin d'investissements massifs à cause des thématiques de durabilité et j'ai considéré que c'était le moment de rejoindre un grand groupe", a dit M. Bernard qui dirigeait Chryso depuis 10 ans lors de la reprise, et est resté aux commandes opérationnelles.

Dans les laboratoires de Chryso à Sermaises (Loiret), on teste toutes sortes de combinaison de bétons, de ciments, auxquels ont ajoute des adjuvants à base de polymères synthétisés sur place dans d'immenses réacteurs chauffés. Ces produits, ajoutés au béton, garantissent sa texture, son étalement, sa fluidité et permettent le transport du béton frais en camion toupie jusqu'au chantier.

Le groupe vient aussi de participer à un essai grandeur nature au bout de plus de deux ans de recherche et développement, d'un béton d'argile décarboné n'utilisant aucun clinker -l'élément du ciment dont la fabrication émet le plus de gaz à effet de serre- en lien avec la start-up Hoffmann Green et le groupe Bouygues construction.

Les adjuvants de béton faits par Chryso, qui représentent 76% de son chiffre d'affaires en 2021, sont utilisés par les grands bétonniers mondiaux comme la géant zougois Holcim, le méxicain Cemex ou l'américain USConcrete, ou groupes de construction comme Bouygues, Heidelberg ou Vinci. Et se retrouvent aussi bien sur la route du littoral de l'île de la Réunion que sur les travaux du Grand Paris Express, ou le pont 1915 récemment inauguré en Turquie.

Empreinte carbone à réduire

"Pendant 30 ans, on a surtout parlé amélioration de la performance (mécanique, chimique etc..) des matériaux, et de leur productivité, en permettant de construire plus vite notamment", dit M. Bernard. "Mais maintenant il y a un troisième axe qui est en train de tout bousculer, le grand sujet c'est la réduction de l'empreinte carbone du ciment et du béton".

L'entrée progressive en vigueur de la nouvelle réglementation RE2020 depuis le début de l'année, qui impose une limite de kilogrammes de CO2 par mètre carré construit, "pousse tout le secteur à bouger" dit M. Bernard, même si pour l'instant les grands acteurs sont encore en train d'affûter leur stratégie.

Saint-Gobain compte notamment sur Chryso pour faire évoluer l'ensemble de ses matériaux de construction vers plus de "sustainability", le mot utilisé dans la maison pour traduire aussi bien durée de vie que bilan carbone et rentabilité. Saint-Gobain et Chryso prévoient notamment l'installation d'une nouvelle usine d'adjuvants en Inde qui ouvrira fin 2023, et d'une autre en Côte d'Ivoire.

afp/vj