Zurich (awp/ats) - António Horta-Osório n'aura tenu que huit petits mois à la présidence de Credit Suisse. Après avoir contrevenu à plusieurs reprises aux règles de quarantaines mises en place pour lutter contre le coronavirus, le Portugais a démissionné. Il est remplacé avec effet immédiat par Axel Lehmann, récemment arrivé comme administrateur.

M. Horta-Osório, cité dans un communiqué diffusé dans la nuit de dimanche à lundi, dit regretter que certains de ses actes "aient entraîné des difficultés pour la banque et affecté (sa) capacité à la représenter en interne et en externe", faisant ainsi allusion aux règles de quarantaine qu'il a violé par deux fois l'année dernière.

"J'estime donc que ma démission est dans l'intérêt de la banque et de ses actionnaires en cette période cruciale", où l'établissement doit mettre en place sa nouvelle stratégie, a-t-il ajouté.

C'est une enquête du journal alémanique Blick, publiée en décembre, qui avait mis le feu aux poudres. Le tabloïd avait révélé que M. Horta-Osório était rentré de Londres à Zurich le 28 novembre. Avisé des règles de quarantaine mises en place par les autorités helvétiques la veille, le Portugais s'était renseigné sur la possibilité de raccourcir, voire de se faire libérer de la quarantaine.

Le canton de Schwyz, où réside M. Horta-Osório, ainsi que la Confédération ont refusé de donner suite à cette demande. Mais le 1er décembre, il a pris un avion privé pour se rendre en Espagne, violant les règles de quarantaine. Il a ensuite poursuivi son voyage à New York pour une réunion du conseil d'administration.

Scandales à répétition

Nommé à la présidence de Credit Suisse fin avril 2021, António Horta-Osório avait été recruté pour remettre de l'ordre au sein du numéro deux bancaire helvétique, secoué par les scandales à répétition. L'établissement a notamment été impliqué dans l'affaire des filatures, qui avait provoqué en février 2020 le départ du directeur général Tidjane Thiam.

Ont suivi les déboires autour des fonds liés à Greensill et Archegos, qui ont provoqué d'importantes pertes, auxquels s'ajoute une affaire de crédits frauduleux octroyés au Mozambique.

La succession du Portugais est déjà réglée. Le conseil d'administration a nommé le Suisse Axel Lehmann au poste de président du conseil d'administration. Il est immédiatement entré en fonction et sera proposé à l'élection en tant que président de l'organe de surveillance lors de l'assemblée générale du 29 avril.

Ancien membre du directoire d'UBS, Axel Lehmann a été élu membre du conseil d'administration de Credit Suisse en octobre 2021. Il a travaillé pendant près de 20 ans pour l'assureur Zurich Insurance. Il a actuellement des mandats auprès de plusieurs institutions académiques, notamment un poste de professeur titulaire à l'université de Saint-Gall.

Renforcement de la gestion de fortune

Cité dans le communiqué, M. Lehmann estime que la banque "a mis le bon cap avec sa nouvelle stratégie". Il se dit convaincu "qu'une mise en oeuvre disciplinée et opportune de notre plan stratégique nous permettra de retrouver notre force et de créer une valeur durable". Après la coûteuse affaire Archegos, le numéro deux bancaire suisse avait décidé de renforcer la gestion de fortune au détriment de la banque d'affaires.

Il avait ainsi cédé l'unité à l'origine de la débâcle, qui a coûté plus de 5 milliards de francs suisses à la banque au premier semestre. Le groupe avait également regroupé la gestion de fortune au sein d'une seule et même division. L'objectif est d'atteindre 1100 milliards de francs suisses de masse sous gestion d'ici à trois ans, soit une augmentation de 200 milliards par rapport au niveau actuel.

Avec sa vaste expérience dans le secteur des services financiers, Axel Lehmann "dispose des meilleurs atouts pour poursuivre la transformation stratégique et culturelle de la banque", déclare dans le communiqué le vice-président Severin Schwan.

Le nouveau président devra rapidement monter au front. La présentation des résultats annuels est agendée au 10 février et la nomination de M. Lehmann sera très certainement au centre des attentions. La publication du rapport annuel le 10 mars permettra par ailleurs de voir combien M. Horta-Osorio aura reçu pour son bref mandat.

Les investisseurs ont sanctionné cette nouvelle période d'incertitude. A la Bourse suisse, la nominative Credit Suisse a chuté de 2,3% à 9,33 francs suisses, contrastant avec le SMI des valeurs vedettes, qui a clôturé en hausse de 0,86%.

ats/al/ol