Berlin (awp/afp) - Le gouvernement d'Olaf Scholz va injecter des milliards d'euros pour sauver l'un des géants allemands de l'énergie, Uniper, asphyxié par les coupures de gaz russe, et promet un bouclier tarifaire aux ménages frappés par la crise énergétique.

"Uniper est une entreprise d'une importance capitale pour le développement économique de notre pays et pour l'approvisionnement en énergie des citoyens", a justifié le chancelier allemand vendredi.

Principales mesures du plan de sauvetage : l'entrée de l'État au capital du groupe à hauteur de 30% et un prêt public pouvant atteindre 7,7 milliards d'euros.

Mais les contribuables vont également devoir mettre la main au portefeuille : Berlin va autoriser Uniper à répercuter les hausses du prix du gaz à ses clients, afin d'aider au renflouement de l'entreprise.

Les Allemands doivent donc s'attendre à voir s'envoler encore leur facture énergétique, a admis le chancelier. Il leur a assuré qu'ils ne seraient pas "laissés seuls" dans cette crise.

Interrompant ses vacances pour une allocution à la chancellerie, le dirigeant a promis que l'État dégainera prochainement un nouveau paquet de soutien aux ménages, encore non chiffré. Le gouvernement réformera également les aides au logement, a-t-il annoncé.

L'Allemagne a déjà débloqué plus de 30 milliards d'euros pour soutenir les particuliers face aux répercussions de la guerre en Ukraine qui a déstabilisé le marché de l'énergie et accentué l'inflation.

Pertes en millions

Uniper, premier importateur et stockeur de gaz en Allemagne, est frappé de plein fouet par la baisse depuis mi-juin des livraisons de gaz russe.

Arguant de l'absence d'une turbine, le géant russe Gazprom a réduit de 60% ses livraisons via le gazoduc Nord Stream, indispensable pour l'approvisionnement de l'Allemagne.

Le groupe allemand doit désormais, pour honorer ses contrats, se procurer du gaz sur le marché au comptant où les prix ont explosé.

Résultat : Uniper, qui emploie près de 12.000 salariés dans le monde, perd des "dizaines de millions d'euros" chaque jour, selon son patron.

Des centaines de services publics municipaux et fournisseurs d'énergie allemands sont clients d'Uniper.

Lorsque les prix seront répercutés aux clients, à partir d'octobre, les charges supplémentaires pourront "s'élever à 200 ou 300 euros par an pour une famille de quatre personnes", a prévenu Olaf Scholz.

Mais l'État sera là, a-t-il assuré. "You'll Never Walk Alone" (tu ne marcheras jamais seul), a répété à plusieurs reprises le chancelier reprenant le titre de cet hymne cher à de nombreux fans de football.

Olaf Scholz s'était personnellement engagé à empêcher une faillite d'Uniper qui menacerait, par effet domino, de disloquer le marché énergétique et d'entraîner des pénuries.

Budget compromis

M. Scholz et son gouvernement agitent depuis plusieurs semaines le spectre d'un "Lehman Brothers" de l'énergie, en référence à la banque américaine du même nom dont la faillite avait précipité la grande crise financière de 2008 aux États-Unis et dans le monde.

Mais les discussions pour sauver Uniper ont été âpres avec l'actionnaire majoritaire du groupe, Fortum, détenu par l'État finlandais.

Ce dernier plaidait pour le transfert des activités menacées dans une entité distincte, aboutissant à un démantèlement du groupe. Berlin demandait de son côté à Fortum de participer au sauvetage.

Outre la prise de participation publique et le prêt de l'État, Uniper verra sa ligne de crédit d'urgence portée à 9 milliards d'euros auprès de la banque publique KfW.

Le renflouement d'Uniper et la prochaine enveloppe d'aides aux ménages risquent de compliquer le retour de l'Allemagne à la discipline budgétaire, promis pour 2023.

L'Allemagne a fait sauter ses strictes règles financières pendant la pandémie de coronavirus pour aider particuliers et entreprises. L'État était ainsi entré à hauteur de 20% au capital de Lufthansa, fragilisé par les répercussions de la crise sanitaire.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, ce n'est pas la première fois que l'État allemand doit venir au secours du secteur de l'énergie. Début avril, le gouvernement a pris le contrôle de la filiale allemande du groupe Gazprom qui exploite des installations de stockage et de transport de gaz vitales pour l'Allemagne.

Là encore, une aide de 9 à 10 milliards d'euros, via des aides de la banque publique KfW, a dû être débloquée.

afp/rp