Paris (awp/afp) - Après l'annonce de profits record réalisés en 2022, publiés quand le diesel approche 2 euros le litre, TotalEnergies a fait miroiter mercredi aux automobilistes français des remises à la pompe, mais pas tant que des grèves contre la réforme des retraites perturbent les expéditions de carburants.

Interrogé sur le rabais envisagé, le PDG du groupe, Patrick Pouyanné, n'a donné mercredi aucun détail sur son "montant" ou ses "conditions", après l'annonce d'un bénéfice net record de 20,5 milliards de dollars.

"Nous sommes prêts à envisager" une nouvelle remise, a-t-il seulement annoncé, en reconnaissant qu'un litre de carburant à deux euros constituait un "seuil psychologique (...) dans les têtes des Français".

"J'ai entendu la volonté de Total de mettre en place une ristourne et nous l'accueillons favorablement", a réagi le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran. Le ministre a dit comprendre que le montant des profits annoncés par TotalEnergies "puisse choquer", mais a rappelé que ces 19 milliards d'euros de bénéfice net n'étaient "pas réalisés en France, loin s'en faut".

A la pompe, quoique légèrement en baisse la semaine dernière, les prix des carburants routiers sont fortement remontés depuis le 1er janvier, avec la fin de la ristourne générale de l'Etat, remplacée par une aide unique de 100 euros, réservée aux plus modestes.

Le litre de gazole s'affichait en moyenne à 1,9432 euro vendredi dernier, selon les données hebdomadaires du ministère de la Transition énergétique. L'essence était quelques centimes moins chère, en moyenne.

"On est prêts à regarder ce qu'il faut faire", a assuré le PDG de TotalEnergies, avant de laisser entendre que cela dépendrait du bras de fer en cours sur la réforme des retraites.

"La leçon d'octobre, c'est qu'on ne va pas faire des rabais pour mettre en tension nos réseaux de stations-service au moment où il y a des menaces sur l'approvisionnement du pays", a-t-il prévenu.

"On l'espère pas, mais ça ne dépend pas de notre volonté, la réforme des retraites n'est pas entre les mains de TotalEnergies", a-t-il dit.

Raffineries en grève

Les salariés de l'énergie sont parmi les plus mobilisés contre le report à 64 ans de l'âge légal de départ à la retraite. Dans les raffineries et dépôts de TotalEnergies, où la CGT est le syndicat majoritaire, des équipes ont déjà cessé le travail cinq journées depuis le 19 janvier.

La direction a répété à plusieurs reprises qu'il n'y avait "pas de raisons de s'inquiéter" et que les dépôts étaient pleins.

Il n'empêche: en octobre, la grève pour les salaires dans ses raffineries et celles d'Esso avait mis plus de 40% des stations-service du pays à sec, provoquant une pagaille monstre.

Paradoxalement, les remises de 20 puis 10 centimes accordées par TotalEnergies de septembre à décembre 2022, pour un coût total de 550 millions d'euros, avaient aggravé la situation. Les stations de la multinationale étaient les moins chères de France pendant une période, la clientèle s'était ruée, les autres enseignes avaient réduit le réassort et avec la grève, le carburant avait manqué.

M. Pouyanné a aussi parlé de tensions sur l'approvisionnement en diesel liées à la guerre en Ukraine, avec l'entrée en vigueur dimanche d'un second embargo européen contre le diesel russe.

"J'ai un peu de mal à comprendre la cohérence des sanctions", a d'ailleurs critiqué le dirigeant. Selon lui, cela n'empêche pas les ventes de diesel russe, qui emprunte un circuit détourné via la Chine et l'Inde où le brut russe est raffiné puis réexpédié, ce qui rallonge les distances parcourues par les tankers et "n'est quand même pas génial du point de vue carbone".

"L'impact de l'embargo à 100% sur le diesel russe sera nul en termes de prix et d'approvisionnement", avait cependant indiqué lundi à l'AFP l'Ufip, le syndicat professionnel des pétroliers, selon lequel "les marchés ont déjà réagi dès le mois de mars 2022".

afp/rp