PARIS/TOKYO (Reuters) - Renault et Nissan devraient dévoiler officiellement le 6 février à Londres un accord sur la réorganisation de leur alliance fondée il y a plus de vingt ans, qui fait l'objet de négociations entre les deux constructeurs automobiles depuis de longs mois, a-t-on appris de sources proches du dossier.

Renault souhaite que son partenaire nippon investisse dans sa nouvelle entité regroupant ses activités de véhicules électriques, tandis que Nissan plaide pour que le groupe français - son actionnaire principal - réduise sa participation actuelle de 43% afin de rééquilibrer leur alliance.

Les dirigeants des deux groupes se sont réunis jeudi en visioconférence pour un conseil opérationnel de l'alliance (Alliance operating board, AOB). Des sources ont dit à Reuters que ce format avait été préféré à une réunion physique au Japon - qui aurait nécessité que le directeur général de Renault Luca de Meo et le président du groupe au losange, Jean-Dominique Senard, s'envolent pour l'archipel - parce que le processus était suffisamment bien engagé.

Après l'étape clé de l'AOB et avant la présentation publique, le projet d'accord doit encore être approuvé individuellement par les conseils d'administration de Renault et Nissan.

Nissan a refusé de faire un commentaire, tandis que Renault a toujours refusé de commenter publiquement les discussions avec son partenaire nippon.

Celles-ci durent depuis plusieurs mois et se sont concentrées notamment sur la question du partage de la propriété intellectuelle, Nissan voulant l'assurance que ses brevets apportés à l'alliance ne serviraient pas aux nouveaux venus dans la galaxie de partenaires que Renault constitue depuis environ un an.

LES LIGNES BOUGENT DANS L'AUTOMOBILE

Les deux membres fondateurs, et Mitsubishi, troisième partenaire de l'alliance qu'il a rejointe ultérieurement, doivent réinventer leur partenariat à un moment particulièrement critique dans l'histoire de l'industrie automobile, avec la sortie du diesel, puis de l'ensemble des motorisations thermiques pour basculer en une dizaine d'années vers le tout électrique.

Les acteurs historiques du secteur doivent trouver les moyens de financer cette révolution alors que les lignes ne cessent de bouger. Ils sont confrontés à la concurrence de nouveaux venus comme Tesla et doivent composer avec les poids lourds de la tech, ce qui les amène à redéfinir les liens qu'ils ont tissés jusqu'ici.

Pour rester dans la course de la R&D dans le cadre de sa propre stratégie de redressement, Renault a par exemple opté pour un partenariat avec le géant des semi-conducteurs Qualcomm Inc et s'est allié, dans les moteurs thermiques et hybrides, avec le chinois Geely Automobile Holdings.

Bien que le périmètre de l'alliance soit appelé à changer, les deux groupes prévoient d'annoncer aussi le 6 février environ cinq projets communs pour relancer un partenariat inédit dans l'industrie automobile. Ils couvriront la fabrication, la technologie et l'expansion géographique, notamment en Inde où l'alliance compte exploiter le potentiel de sa grande usine de Chennai, a dit une source.

Luca de Meo a régulièrement dit avoir proposé à Nissan une liste de 10 à 15 projets futurs. Il n'était pas clair dans l'immédiat si les annonces déjà faites de la production de la remplaçante de la Nissan Micra chez Renault en France, et de la fabrication des nouveaux modèles ASX et Colt de Mitsubishi dans des usines Renault en Espagne et en Turquie étaient comptées dans les cinq projets.

(Avec Maki Shiraki et le bureau de Tokyo, Jean-Stéphane Brosse à Paris et Silvia Aloisi à Milan, édité par Blandine Hénault)

par Gilles Guillaume et Norihiko Shirouzu