Un catalogue de souris transgéniques pour la recherche en immunothérapie. Voilà résumée la proposition de valeur de genOway, société lyonnaise fondée en 1999. Après avoir mis 20 ans à atteindre les 10 millions d’euros de chiffre d’affaires, cette biotech a opéré un changement de modèle économique afin de relancer sa croissance et améliorer sa profitabilité. Historiquement fournisseur d’ « outils de recherche » sur-mesure, genOway élabore depuis 3 ans un catalogue de modèles standards pour la recherche préclinique en immunologie. Un tournant stratégique qui lui permet d’adresser un marché 20 fois supérieur et qui impacte déjà très favorablement ses résultats.   

Benjamin Bruneau, les chiffres semestriels que genOway vient de publier valident-ils définitivement le succès du virage stratégique opéré par la société en 2019 ? 

"Le plan stratégique 2019-2024 de genOway repose sur deux piliers : un triplement des ventes au travers du développement de l’activité Catalogue et une forte rentabilité à travers un objectif d’Ebitda supérieur à 25%. Dans un premier temps, la société a démontré la pertinence de son offre Catalogue qui progresse à un rythme supérieur à 50% sur le semestre, après des hausses annuelles successives de 45% en 2021, 33% en 2020 et 24% en 2019. Cette croissance nous a permis d’atteindre une marge d’Ebitda de près de 18% au S1 avec les 20% en ligne de mire au S2…"  

Principaux éléments financiers du 1er semestre 2022(source : geOway) 

Allez-vous-même plus vite que ce que votre plan prévoyait ?  

"Nous sommes en avance d’environ 6 mois en ce qui concerne la profitabilité. En effet, avec 54% de nos ventes générées par notre catalogue, nous voyons clairement l’effet de la croissance des volumes de ventes de produits standards sur la rentabilité. Une fois le catalogue créé, nos coûts d’élevage sont limités et notre marge brute de plus de 60% se retrouve directement en Ebitda. Ces performances nous encouragent à continuer dans cette direction, en accélérant le développement de modèles de nouvelle génération de souris (NDLR modèle BRGSF-HIS) plus prédictifs, qui apporteront davantage de valeur ajoutée à nos clients en offrant des solutions adaptées à leur besoin afin de valider efficacement leurs candidats médicaments dans les étapes pré-cliniques. Nous sommes ainsi en train de nous positionner progressivement comme un acteur de référence sur ce marché."

A quelle concurrence êtes-vous confrontés ?  

"Les données de marché à notre disposition sont très estimatives. Notre offre catalogue sert le marché du préclinique qui pèse 4 à 5 Md avec une clientèle qui se partage de façon équilibrée entre les laboratoires pharmaceutiques et leurs sous-traitants, les CRO. Sur ce marché des tests précliniques, en croissance annuelle de 5 à 10%, le marché total des modèles sur animaux pèse environ 2 Md, dont une petite partie seulement concerne les animaux transgéniques, en croissance annuelle de plus de 25%. Sur ce marché de niche, en forte croissance compte tenu de sa capacité à simuler l’organisme humain, genOway est en passe d’offrir l’offre la plus complète. Avec 30 M€ de CA visé en 2024, nous devrions avoisiner les 15% de part de marché mondial des modèles animaux humanisés aux côtés des américains Jackson Laboratory et Taconic ainsi que d’acteurs sino-américains. " 

Où en est votre relation avec votre concurrent et partenaire Cyagen ? 

"Nous avions noué avec Cyagen un accord de distribution en Chine dont les termes n’ont pas été respectés, ce qui nous a amené à dénoncer ce contrat. A ce jour, la société Cyagen est donc redevable de la somme de 5 M€ envers genOway dont 2 M€ de créances sont comptabilisées dans les comptes de genOway. genOway a initié au cours du premier semestre 2022 une procédure arbitrale pour faire valoir ses droits avec un verdict attendu en 2023. En attendant, nous sommes entrés en discussion avec un autre partenaire pour adresser cette région, avec des premiers fruits attendus après 2024." 

Quels sont vos besoins d’investissements à venir ? 

"Nous disposons aujourd’hui de 27 modèles dans notre catalogue et devrions atteindre les 32 modèles fin 2022, de quoi atteindre nos objectifs 2024. Cela représente un investissement cumulé d’environ 7 M€ financé en partie par notre placement privé d’un montant de 5 M€ réalisé à un cours de 4 € par action en mai 2021. Aujourd’hui, avec 15 M€ de fonds propres et une dette nette de 3,8 M€ que rembourse notre génération de trésorerie, nous disposons d’une capacité financière suffisante pour autofinancer le développement de nouveaux modèles pour un montant d’environ 1 M€ par an."

Investissements capitalisés pour la création du catalogue (source : geOway)

Faut-il s’attendre à une accélération des investissements en interne ou via une acquisition au-delà de 2024 ? 

"Nous avons suffisamment de projets et de ressources en interne pour nous concentrer sur notre croissance organique. Nous envisageons effectivement un positionnement plus large dans le préclinique en visant non seulement les études de pharmacologie mais également les études de pharmacocinétique et de toxicologie. Les études cliniques nous intéressent également, mais pas avant plusieurs années..." 

Dans ce cas, une nouvelle levée de fonds pourrait-elle être envisagée ? Pourquoi votre titre ne fait-il pas l’objet d’une couverture par un bureau d’analyse financière ? 

"La réussite de notre plan 2024 ne nécessite absolument pas de lever des fonds. En revanche, une accélération de nos programmes de R&D dans le cadre d’un nouveau plan pourrait passer par un appel au marché boursier. Cela passe par un travail sur notre valorisation boursière actuelle, très éloignée des multiples de transaction que nous avons pu observer sur une société comparable cotée à Paris : Oncodesign. La couverture par un bureau d’analyse financière fait effectivement partie des éléments qui permettront une meilleure valorisation de genOway en Bourse." 

L’activité de genOway soulève des questions éthiques comme l’utilisation d’animaux ou le recours à des cellules souches d’embryons humains… 

"L’utilisation d’embryons humains est interdite en France. La recherche préclinique sur les lignées cellulaires, que nous fournissons également à nos clients, nécessite d’être complétée par les animaux de laboratoire. L’utilisation de souris transgéniques a l’avantage de réduire le nombre de souris utilisées. D’une part, car elles sont plus efficaces, d’autre part, car elles sont vendues beaucoup plus cher, ce qui incite à l’économie. Au niveau éthique, nous avons une approche responsable de l'expérimentation animale basée sur les 3R (Replace, Reduce, Refine), et qui respecte les directives de l’AAALAC (association internationale pour l’évaluation et l’accréditation du traitement des animaux de laboratoire). Chacun de nos projets est scrupuleusement calibré et fait l’objet d’une évaluation rigoureuse et d’une autorisation par un comité d’éthique."

Actionnariat de genOway (source : société)