Paris (awp) - La cour d'appel de Paris a confirmé mercredi la mise en examen de Lafarge pour "complicité de crimes contre l'humanité" concernant ses activités en Syrie entre 2012 et 2014. Les parties civiles ont salué cette annonce. Le cimentier a décidé de se pourvoir en cassation.

Lafarge "demeure mise en examen de ces chefs" de complicité de crimes contre l'humanité et de mise en danger de la vie d'autrui, "dans le cadre de l'information judiciaire qui se poursuit", selon un communiqué du parquet général obtenu par l'agence AWP.

La chambre de l'instruction a rejeté la demande d'annulation de la mise en examen de la société, qui a fusionné avec Holcim en 2015, pour ces deux motifs.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé, via une filiale, plusieurs millions d'euros à des groupes terroristes, dont l'organisation Etat islamique (EI), ainsi qu'à des intermédiaires, afin de maintenir l'activité d'une cimenterie en Syrie alors que le pays s'enfonçait dans la guerre.

Lafarge conteste l'arrêt

Dans un communiqué, Holcim a fait savoir que "Lafarge fera appel de cette décision devant la Cour suprême", c'est-à-dire que la filiale va se pourvoir en cassation. Elle a cinq jours pour le faire, soit d'ici le 25 mai. Ensuite, le délai entre le pourvoi formé et la décision rendue est en général de huit à douze mois.

"Il est important de préciser que cette décision n'est pas un jugement", souligne la multinationale zougoise. "Il s'agit de déterminer l'étendue des chefs d'accusation examinés". Le géant des matériaux de construction rappelle que "les événements survenus chez Lafarge ont été dissimulés à notre conseil d'administration au moment de la fusion en 2015 et sont en totale contradiction avec nos valeurs".

Dans un communiqué commun, le Centre européen pour les droits constitutionnels et les droits humains (ECCHR) et Sherpa, "les associations à l'origine de la plainte, se félicitent de cet arrêt qui confirme qu'une entreprise suspectée d'avoir sciemment versé plusieurs millions d'euros à une organisation criminelle peut être mise en examen pour complicité de crimes contre l'humanité".

Les deux ONG, l'une basée à Berlin et l'autre à Paris, assurent que "la mise en examen d'une entreprise pour complicité de crimes contre l'humanité est une première mondiale". Lafarge est mise en examen pour quatre chefs, en comptant aussi "le financement d'une entreprise terroriste" et "la violation d'un embargo sur le pétrole", a rappelé Claire Tixeire, conseillère juridique de ECCHR jointe par AWP.

Fin juin 2018, Lafarge avait été mise en examen pour ces quatre motifs avant d'en demander la nullité auprès, déjà, de la cour d'appel.

En novembre 2019, le cimentier avait obtenu de la cour d'appel de Paris l'annulation de sa mise en examen en 2018 pour "complicité de crimes contre l'humanité". Mais en septembre 2021, la Cour de cassation, la plus haute juridiction judiciaire française, avait cassé cette décision de la cour d'appel, ainsi que le maintien de la mise en examen du groupe pour "mise en danger de la vie d'autrui". Elle avait renvoyé ces deux questions devant la chambre de l'instruction, mais confirmé la mise en examen du cimentier pour "financement du terrorisme".

Après avoir vivement réagi à ces annonces et reculé de plus de 3%, le titre Holcim s'est quelque peu repris. La nominative a terminé la séance à la Bourse suisse en baisse de 1,3% à 47,23 francs suisses, quasiment autant que l'indice vedette SMI (-1,29%).

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