Revoici par précaution

NUNHEAD (awp/afp) - "Je préfèrerais que mon bureau ne soit pas dans le salon", reconnaît Rachel Watson, consultante pour une société d'approvisionnement, qui travaille depuis son appartement avec vue sur le Shard, un célèbre gratte-ciel londonien, depuis le premier confinement en Angleterre il y a un an.

Avant la pandémie, cette Ecossaise de 34 ans se rendait presque tous les jours à son bureau dans la City, au coeur de Londres.

Alors que le Royaume-Uni, où la campagne de vaccination contre le Covid-19 avance rapidement, prévoit la levée de toutes les restrictions sanitaires à partir du 21 juin, elle espère pouvoir profiter du meilleur des deux mondes et travailler un peu chez elle, un peu au bureau.

Une formule plébiscitée par de plus en plus d'entreprises et d'employés. Le centre de réflexion Demos a constaté que 65% de la population active britannique a été forcée de passer au travail à domicile ou d'arrêter de travailler à cause de la pandémie, et que 79% des gens qui travaillent de la maison voulaient continuer après la levée des restrictions, à temps partiel ou à plein temps.

Et les entreprises semblent aussi y trouver leur compte, pour la productivité et le bien-être des employés, mais aussi pour faire des économies substantielles sur les loyers.

Des multinationales comme les banques HSBC et Nationwide, le cabinet d'audit PwC et la compagnie aérienne British Airways font partie des groupes qui envisagent une approche hybride, entre domicile et bureau.

HSBC vient d'annoncer mercredi à plus de 1.200 employés de ses centres d'appels la possibilité de travailler de la maison de manière permanente.

Rachel Watson remarque que le télétravail apporte "un meilleur équilibre entre la vie et le travail": au lieu de passer du temps dans des transports en commun bondés, elle a du temps à présent pour promener son chien ou faire d'autres activités.

Mais, depuis son bureau-salon encombré d'écrans et de pots de crayons, elle dit apprécier d'aller au bureau et d'avoir une "vraie séparation entre" ces deux espaces.

Son employeur a lancé en septembre une politique qui permet aux salariés de choisir comment et où ils veulent travailler à l'avenir.

La plupart des employés britanniques ont joué le jeu des directives gouvernementales et ont travaillé depuis leur maison pendant les trois confinements en Angleterre notamment.

Beaucoup ont cependant éprouvé des difficultés à le faire dans des logements souvent petits, jonglant entre les courses, le ménage, les enfants en éducation à distance, et des partenaires qui eux aussi accumulent les réunions bruyantes sur Zoom toute la journée.

Le patron de la banque d'investissement Goldman Sachs David Solomon a ainsi qualifié d'"aberration" le fait de travailler à la maison, tandis que le patron de sa rivale JPMorgan Jamie Dimon a estimé que cela avait un effet négatif sur la productivité.

Le banquier franco-russe Vladimir Olivier, 30 ans, retourne ainsi à son bureau de Londres une fois par semaine depuis février.

"Avant la pandémie je travaillais cinq jours par semaine au bureau et je voyageais beaucoup pour rencontrer des clients", a raconté à l'AFP cet employé de la Société Générale.

"Ce qui me manque le plus, c'est le contact humain. On ne fait pas ce travail (...) pour rester enfermé dans sa chambre toute la journée derrière un écran", raconte-t-il depuis son domicile de la capitale britannique.

"Ce qui rend parfois le travail supportable ou plaisant, c'est l'interaction avec des collègues ou amis du bureau", ajoute-t-il.

Le ministre des Finances britannique Rishi Sunak a enjoint les entreprises de ne pas abandonner le bureau pour de bon, par peur de voir les centres-villes désertés et les commerces qui y sont installés dépérir, à l'image de la City de Londres, poumon financier du pays, transformée en ville-fantôme pendant de longs mois.

Dans une enquête, la première instance patronale britannique, la CBI, constate que trois quarts des entreprises s'attendent à ce qu'une approche hybride du travail se généralise.

Pour Keith Cuthbertson, professeur de finance à City University London, le partage du travail entre maison et bureau peut "bénéficier aux employeurs comme aux employés, et c'est quelque chose d'enfin positif qui pourrait ressortir du choc économique de la pandémie".

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