Créée en 2004 ans par William Gouesbet et Yannick Delibie, deux ingénieurs télécoms passés par Wavecom, Kerlink conçoit, déploie et gère des réseaux Internet des objets pour tous types de clients : opérateurs telecoms, entreprises, collectivités. Après un parcours chaotique depuis son introduction en Bourse en 2016, la société bretonne repart de l’avant avec une stratégie ajustée.

William Gouesbet, pouvez-vous nous expliquer concrètement quel est votre positionnement dans l’internet des objets et comment vous gagnez de l’argent ?

"Nous sommes un des principaux fournisseurs mondiaux du marché de l’internet des objets, c’est-à-dire de tous types d’objets pour lesquels il peut être intéressant d’émettre et recevoir à distance des informations. Par exemple, pour la facturation des consommations d’eau, la télérelève des compteurs d’eau facilite la surveillance et la facturation des consommations. Les compteurs sont équipés d’un petit module de communication radio ou bien intègrent dès l’origine une capacité d’émission d’informations qui doivent être récupérées par des infrastructures. C’est là que Kerlink intervient avec ses solutions de connectivité pour les acteurs qui souhaitent déployer des réseaux d’infrastructures. Nous vendons des stations à nos clients opérateurs qui les installent sur des points hauts avec une capacité de transmission des données dans un périmètre de 10 à 20km.

En plus de ces antennes relais, nous vendons des solutions de gestion, de pilotage, de maintenance du réseau déployé. Nous sommes également en train de développer une offre packagée Network as a Service (NaaS) dans laquelle nous offrons les solutions de pilotage et maintenance d’un réseau au sein duquel les stations sont proposées en location. Nos ventes hardware représentaient 72% de nos ventes en 2020, contre 75% en 2019 et 82.5% en 2018."

Votre stratégie commerciale a dû évoluer en 2018 compte tenu de la chute de votre marché historique …

"Historiquement, nous avons déployé des réseaux pour les opérateurs télécoms historiques un peu partout dans le monde. Cependant, les tarifs d’abonnements proposés par ces opérateurs aux industries ont été jugées trop onéreux, et les clients industriels ont préféré déployer eux-mêmes leurs réseaux en achetant en propre des infrastructures réseaux avec des applications plus ou moins sur-mesure. C’est ainsi qu’à partir de 2018 nous nous sommes adressés directement à ces clients, dans différents domaines d’application :  la ville intelligente (distribution et  comptage  énergétique,  commerces  et lieux publics…), le bâtiment et l’industrie intelligente (consommations énergétique, surveillance et suivi des actifs, etc.) ou encore l’agriculture Intelligente (agriculture  de  précision,  surveillance  du  bétail  et  élevage, etc.). A ce jour, plus de 140 000 installations Kerlink ont été déployées chez plus de 350 clients dans 70  pays. En 2020, compte tenu du contexte sanitaire, nous avons décidé d’accélérer le développement de la vente indirecte via des distributeurs pour adresser de nouvelles zones géographiques et de nouveaux verticaux. Cela est passé par un gros travail de formation."

Quelle est votre principale barrière à l’entrée ?

"Fabless, notre principal atout est la maîtrise du protocole de communication LoRawan®, technologie la plus utilisée au monde du monde. Nous avons été les premiers au monde, en 2015, à développer des stations qui embarquent cette technologie et surtout à travailler sur leur bonne opérabilité dans des environnements hostiles, par exemple où la densité d’antennes est déjà élevée. Nous avons vendu plus de 70 000 stations LoRaWan®, ce qui fait de nous un acteur international incontournable, unanimement reconnu pour la qualité de ses solutions réseaux. Nous sommes d’ailleurs membre fondateur de l’écosystème LoRa Alliance où nous siégeons au board. Sur un marché de l’IoT au potentiel énorme, nous sommes donc aujourd’hui bien positionnés au niveau mondial pour profiter de ce développement tant auprès des opérateurs privés, grâce au développement d’un écosystème de distributeurs comme le démontre le partenariat récent avec Cal-chip, qu’auprès des opérateurs télécoms historiques dont le redémarrage de l’activité est attendu."

Qui sont vos concurrents ?

"Nous pouvons citer des fabricants d’infrastructures comme l’américain MultiTech ou le canadien Tektelic qui sont arrivés un peu après nous et ont donc moins de références clients opérateurs, les sociétés de maintien en conditions opérationnel de pilotage de réseau qui sont peu concurrentes sur la partie matérielle mais de plus en plus la partie transfert de données, et enfin les éditeurs de logiciels de transfert de données vers les serveurs d’exploitation, brique qui cependant est de moins en moins valorisée."

Source : Kerlink

Kerlink a également investi les solutions à base de technologie blockchain à travers le réseau Helium. De quoi s’agit-il ?

"Effectivement. Les gateways au portefeuille de Kerlink peuvent désormais embarquer, de manière sécurisée, le miner Helium. Elles ont obtenu l’agrément HIP19 d’Helium, société américaine qui lancée il y a 2 ans autour d’un concept alliant IOT et cryptomonnaie. L’idée consiste à faire déployer un réseau IOT à l’échelle mondiale par des tiers qui acquièrent et installent le matériel, que ce soit des particuliers ou des entreprises. « Investissez dans le réseau et on vous reversera de la cryptomonnaie HNT (Helium Network Token) à chaque fois que vos hotspots communiquent avec d’autres et élargissent la couverture de réseau » est en quelques sortes la promesse d’Helium. Nous adressons ainsi le marché des particuliers via les réseaux de distributeurs, et ainsi que les entreprises intéressées par cette monnaie qui est cotée sur les plateformes d’échange. Nous sommes également dans une logique d’investissement en propre dans les infrastructures afin de gagner des HNT et de proposer nos solutions NaaS."

Evolution des revenus trimestriels (source : Kerlink )

Pourquoi avez-vous procédé à une augmentation de capital de 11 M€ à 4,80€ en avril dernier ? Qui a souscrit à cette opération ?

"Comme le montre le dernier trimestre 2020 et surtout notre premier trimestre 2021, nous sommes en fort développement et disposons d’un carnet de commande très bien orienté. La perspective de lancement d’une nouvelle génération de produits à l’été conforte cette tendance. De plus, la difficulté à nous fournir en composants actuellement implique des engagements financiers inédits auprès de nos fournisseurs et sous-traitants. Enfin, notre investissement dans les stations mises à disposition sous forme de NaaS génère des besoins importants. Ces 11M€ ont été levés pour l’essentiel auprès de fonds français."

Quand comptez-vous dégager un Ebitda positif ?

"Rappelons qu’en 2018, les opérateurs historiques n’ayant pas pu démontrer la rentabilité de leur réseau, nous avons connu un effet ciseau important qui nous a obligé à réaliser un PSE sur 22 personnes, ce qui fait que notre effectif a été ramené à 82 personnes aujourd’hui dont 11 à l’international. L’économie annuelle en frais de personnel s’élève à 2 M€. Nous ne donnons pas d’objectif précis mais moyennant la poursuite d’une forte hausse des revenus, nous espérons atteindre le plus vite possible l’équilibre en Ebitda."

Source : Kerlink

 

L'Auteur est actionnaire à titre personnel