Chaque année FDJ sert 25 millions de joueurs, qui en cumulé, misent 19 Mds€ dont 13 Mds€ sont retournés aux heureux vainqueurs et 4.1 Mds€ sont versé à l’Etat au titre des taxes sur les jeux de hasard (chiffres de 2021).

montant dépensé par les français en moyenne sur les jeux de hasard
Montant des dépenses annuelles des joueurs de jeux de hasard de 2012 à 2017, en euros. Source : ANJ via Statista.

L’Etat, justement, détient 20.5% du capital et 27.42% des droits de vote. Côté face, il joue ainsi un rôle d’actionnaire stratégique, mais côté pile cela lui offre un possible « passe-droit » pour augmenter sa part de la collecte. Vu sa situation budgétaire critique, on peut craindre que cet actionnaire se montre trop gourmand et court-circuite ainsi les autres actionnaires via diverses cotisations spéciales ou hausses de taxes plutôt que par des augmentations de dividendes (qui bénéficieraient à tous les actionnaires).

Pour poursuivre avec les actionnaires phares, on notera la configuration originale de l’entreprise dans laquelle la philanthropie tient une place traditionnelle importante au travers de la participation de l’Union des Blessés de la Face et de la Tête qui détient 10% du capital. C’est intéressant de voir qu’une entreprise à but purement lucratif comme la FDJ, parfois pointée du doigt pour des comportements risqués qu’indirectement elle facilite, peut ainsi servir la collectivité. Dans une optique de justice sociale, on aimerait voir davantage d’organisations caritatives dans les actionnaires des grands groupes français !

Pour en revenir au business de FDJ, les activités de loterie représentent 80% du chiffre d’affaires et les paris sportifs les 20% restants. La diversification vers les services B2B reste à ce stade anecdotique malgré des ambitions fortes en ce sens.

activités phares de la FDJ
Activités phares de la FDJ. Source : société

Si l’on remonte jusqu’à 2014, date depuis laquelle les comptes sont publics, la croissance est lente mais pérenne. On note cependant une accélération en 2021 suite à une nette expansion des marges. La marge d’EBITDA atteint 24.3% en 2021 contre 20.5% en 2020 et 17.7% de moyenne sur les 5 années précédentes. La marge nette s’établit quant à elle à 13% contre une moyenne qui gravite autour des 10%. La performance financière est excellente : le retour sur capitaux propres est supérieur à 36% depuis plus de 5 ans. Autrement dit, chaque année, l’entreprise est en mesure de générer, à minima, 36 centimes de capitaux propres pour chaque euro réinvesti par les actionnaires. A noter que cette rentabilité est saine car elle s’explique principalement par une rentabilité économique supérieure à 20% et non un levier financier délirant. De quoi convaincre les investisseurs de garder leurs titres.

On voit ici le résultat d’une activité monopolistique bien protégée (d’ordinaire, un marché avec une telle rentabilité économique est naturellement convoité par les nouveaux concurrents, phénomène qui conduit à une baisse du ROIC au fil du temps). En réalité, les loteries nationales rentrent dans la catégorie des « meilleurs business du monde » du style péages sur le pont. On parle d’un monopole avec de très fortes barrières à l’entrée et des activités relativement peu capitalistique (hors opportunités de croissance externe).

Le groupe entend maintenir cette trajectoire positive, entretenue en premier chef par une percée dans le digital. Il y a sans doute matière à amélioration car en l’état le profil de marges reste très inférieur à celui de Gruppo MutuiOnline S.p.A ou de OPAP, deux comparables directs, eux aussi listés en bourse sur les marchés italiens et grecs.

digitalisation des paris sportifs
Dynamique de la dématérialisation des paris sportifs. Source : société.

Du coté du bilan, pas grand-chose à signaler : 550 M€ de dettes dans un passif de 3.6 Md€ (15% à maturité 2-3 ans, 20% à maturité 4-5 ans et 60% avec une maturité supérieure à 6ans), totalement couvertes pas une trésorerie de presque 800 M€. Du coté des actifs, on note une proportion significative (1 Md€) d’investissement financier, il s’agit principalement de placements dans des comptes à terme et des fonds obligataires, sont aussi inclus les dépôts pour certains jeux comme le « My Million ».

Le taux de rendement sur dividendes est de 3.8% au cours actuel mais de nombreux analystes tablent sur une augmentation de la distribution cette année pour un rendement pro forma de 4.4%.

Vu son profil de croissance a priori limité, il y a fort à parier que l’entreprise restera d’abord valorisée sur la base du dividende qu’elle sera en mesure de distribuer à ses actionnaires. Une accélération de la stratégie de croissance externe pourrait toutefois changer ce paradigme.

A ce sujet, la principale opportunité est aussi le principal risque : à savoir l’ouverture à la concurrence du marché des jeux de hasard en Europe, traditionnellement chasses gardées des opérateurs nationaux contrôlés par le gouvernement. En revache, cela fait plus de vingt ans que ce chantier traîne en longueur… Miser sur cette ouverture (à la hausse comme à la baisse) n’est donc pas recommandé, même si le management s’y prépare.

Quoiqu’il en soit à ce stade, un rendement sur dividende en PEA (avec option de croissance de la distribution si expansion de marges et/ou croissance externe) reste toujours plus attractif qu’une assurance-vie (jusqu’à quand ?). Mais on ne voit pas non plus de marge de sécurité évidente en dépit d’une activité unique aux caractéristiques financière attractives. Le scénario optimiste réside surtout dans une augmentation des marges qui verrait FDJ s’aligner sur ses pairs européens en termes de profitabilité.

On le disait plus haut, FDJ souhaite construire une position d’acteur de référence sur le marché mondial du B2B, en proposant une offre de services pour les acteurs de loterie et de pairs sportifs. Aucun de ces marchés n’est facile d’accès : celui de la loterie est concentré avec 80% des parts de marché détenues par trois acteurs ; tandis que celui des paris sportifs a beau être plus accessible car plus fragmenté, il reste difficile d’y monter rapidement en échelle.

Enfin, pour l’anecdote, on notera que malgré une activité a priori simple à comprendre, les comptes consolidés de FDJ ne sont pas faciles à décrypter : c’est une entreprise dans laquelle certains enjeux stratégiques ressemblent à ceux d’une institution financière.