Luxembourg (awp/afp) - La justice européenne a donné raison jeudi à Vivendi dans le vieux litige sur sa participation dans Mediaset, jugeant contraire au droit de l'UE la loi italienne empêchant le géant français des médias de détenir 28,8% du groupe de télévision de la famille Berlusconi.

Cette décision constitue une victoire pour Vivendi, deuxième actionnaire de Mediaset, avec qui il s'affronte devant les tribunaux depuis plus de trois ans.

Selon la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), la disposition, destinée à protéger le pluralisme des médias en Italie, "constitue une entrave interdite à la liberté d'établissement".

Les deux groupes sont à couteaux tirés depuis 2016 et la décision de Vivendi, dont le groupe Bolloré est le premier actionnaire, de revenir sur un accord prévoyant le rachat du bouquet de chaînes de télévision payantes Mediaset Premium.

Vivendi, qui possède notamment Canal+, s'était lancé dans la foulée dans un raid pour acquérir 28,8% de Mediaset, jugé "hostile" par la famille Berlusconi, son principal actionnaire.

Cette opération s'était cependant heurtée à une loi italienne sur la pluralité des médias --celle considérée jeudi comme contraire au droit de l'UE-- qui avait contraint Vivendi à "geler" quelque 20% de sa participation, en la confiant à une société fiduciaire.

Vivendi est également actionnaire de l'opérateur Telecom Italia avec 24% de son capital, et cette double participation à de tels niveaux avait été jugée contraire à la législation.

La CJUE a estimé qu'"une restriction à la liberté d'établissement peut, en principe, être justifiée par un objectif d'intérêt général, tel que la protection du pluralisme de l'information et des médias".

Mais "ce n'est pas le cas de la disposition en cause, celle-ci n'étant pas de nature à atteindre cet objectif", selon elle.

"nouvelle opportunité dans les télécoms

"On est vraiment très satisfaits du jugement", a déclaré un porte-parole de Vivendi à l'AFP. "Cela démontre que les manoeuvres de Mediaset, qui a essayé de jouer avec la démocratie actionnariale, étaient illégales. Vivendi a agi dans le strict respect du droit italien", a-t-il poursuivi, disant rester "ouvert au dialogue" avec Mediaset.

Le groupe italien a pris acte de son côté de la décision, mais a souligné que l'Autorité italienne compétente "devra évaluer les risques pour le pluralisme, une valeur fondamentale pour le droit de l'Union européenne".

"Si, contrairement à ce qui est actuellement prévu par la loi italienne, il existe une possibilité de convergence entre les groupes leaders des télécommunications et de l'édition télévisuelle, Mediaset, qui a été pénalisé par l'interdiction pendant toutes ces années, évaluera avec le plus grand intérêt toute nouvelle opportunité dans les télécoms", a-t-il souligné dans un communiqué.

Alors que selon les experts les deux groupes se retrouvent désormais contraints de négocier, l'action Mediaset gagnait 5,25% à la clôture de la bourse de Milan tandis que le titre Vivendi terminait la séance en baisse (-0,7% à 23,99 euros) sur la place parisienne.

Mediaset et la holding des Berlusconi, Fininvest, réclament toujours 3 milliards d'euros de dommages et intérêts à Vivendi pour son revirement initial dans le rachat de Mediaset Premium.

"Restaurant trois étoiles"

Le président du directoire de Vivendi, Arnaud de Puyfontaine, avait expliqué à l'époque que son groupe avait reçu des informations qui ne correspondaient pas à la réalité de Premium.

"C'est comme s'ils nous avaient invités à dîner dans un restaurant trois étoiles et qu'ensuite nous nous étions retrouvés chez McDonald's", avait-il déclaré.

Les tensions entre les deux groupes se sont de nouveau attisées ces derniers mois en raison du projet Media For Europe (MFE) porté par l'Italien et destiné à fédérer les télévisions européennes et à mieux lutter contre les plateformes de distribution de contenus comme Netflix.

Mais cette holding de droit néerlandais, où le groupe voulait fusionner ses activités italiennes, espagnoles et sa participation dans l'allemande ProSiebenSat.1, visait aussi à permettre aux Berlusconi de renforcer leur contrôle sur Mediaset.

Ce projet est actuellement bloqué par deux décisions de justice en Espagne et aux Pays-Bas, après des recours de Vivendi.

La Cour d'appel d'Amsterdam a ainsi conclu mardi que "le dispositif avait été conçu dans le but de donner à l'entreprise familiale Berlusconi, avec une participation de 35%, un contrôle absolu sur la société néerlandaise".

Mediaset, qui a d'ores et déjà annoncé qu'il reverrait l'organisation de MFE, a été fondé par l'ancien chef du gouvernement Silvio Berlusconi, qui fêtera ses 84 ans fin septembre. Il a annoncé mercredi avoir été testé positif au nouveau coronavirus.

afp/rp