Un peu plus d’un an après une arrivée en Bourse qui lui a permis de lever 109 M€, cette filiale de Bigben Interactive a publié des résultats annuels en forte hausse et avancé d’un an ses perspectives, sans vraiment surprendre. Dans un univers des jeux vidéo en ébullition, nous en avons profité pour faire le point avec Alain Falc sur ce pure player du gaming, fournisseur d’accessoires (manettes, casques…) et producteur-éditeur de jeux vidéo.

Alain Falc, le contexte sanitaire est-il à l’origine de l’avancée d’un an des objectifs de CA de Nacon ?

"Le contexte sanitaire a surtout dopé nos ventes digitales lors de notre exercice clos à fin mars avec notamment un triplement des ventes issues du back catalogue. Mais il est clair que plus les gens jouent, plus ils consomment d’accessoires, ce qui a favorisé le succès des accessoires premium, manettes PS4 en tête, et de notre implantation aux Etats-Unis. Les ventes américaines, inexistantes avant la reprise de la marque RIG, ont atteint 33M€ sur un total de 103M€ de ventes Accessoires en hausse globale de 96%. Concernant l’exercice en cours, qui sera dynamisé par de nouvelles consoles, nous attendons une progression de l’activité et de la rentabilité qui devrait reposer sur le maintien des ventes digitales du back catalogue, davantage de lancements de nouveaux jeux, et toujours cette dynamique commerciale des accessoires (casques premium, manettes PlayStation®4 et Pro Compact pour Xbox®) qui bénéficiera de la sortie de la manette Revolution X Procontroller pour Xbox®. Enfin, 2022/23 devrait être une grande année avec le lancement de 4 jeux au potentiel de vente supérieur au million d’exemplaires, pouvant chacun dégager 25M€ de CA. En tablant sur 50% de succès, il nous est apparu logique de relever nos objectifs 2022-23 à 230-260 M€ de CA pour une marge opérationnelle supérieure à 20%."

Des objectifs financiers relevés (source : Nacon )

Pourquoi le résultat net n’a-t-il pas autant progressé que les autres indicateurs du compte de résultat ?

"Pour deux raisons principales. D’une part car les ventes d’accessoires dégagent moins de marge brute. D’autre part car les charges liées aux plans d’actions gratuites ont pesé pour 5,1M€ et ne sont pas déductibles de notre base imposable. Cependant, je rappelle que ces charges ne sont pas décaissables et que les plans d’actions gratuites sont liés à l’intéressement des nouveaux managers intégrés suite au rachat de studios, avec un octroi définitif conditionné au maintien dans l’entreprise qui s’étale jusqu’en 2027."

source : Nacon

Quelles mutations voyez-vous s’opérer dans l’univers du jeu vidéo ?

"L’avènement de nouveaux supports, de nouvelles plateformes de distribution dans le monde du jeu vidéo, comme Amazon récemment et bientôt Netflix, accentue la guerre des contenus sur un marché dont la taille est maintenant deux fois plus importante que celui de la vidéo. Cela provoque une inflation et une concentration des studios par les éditeurs qui n’hésitent pas à monétiser des exclusivités comme nous comptons le faire lors de la sortie l’année prochaine du jeu The Lord of the Rings™: Gollum™ sur lequel nous sommes en partenariat avec le studio Daedalic. Par ailleurs, le marché se morcèle, avec de plus en plus de niches en fonction des centres d’intérêt des joueurs."

Nacon dispose-t-il des moyens suffisants pour rester indépendant dans ce contexte ?

"Nous avons déjà changé de braquet en matière d’investissement avec 53.7 M€ investis en 2020/21 et 11 studios rachetés en 4 ans. Nous disposons encore d’une centaine de millions d’euros de trésorerie après avoir financé plus de la moitié du développement de jeux majeurs (dont Test Drive Unlimited Solar Crown, Steelrising, The Lord of the Rings™: Gollum™...) dont les sorties auront lieu à partir de l’exercice 2022/23. Ces jeux ont nécessité 3 à 5 années de développement et viendront enrichir notre catalogue, générant des revenus sur une durée supérieure à 5 ans. Nous avons donc une visibilité financière très satisfaisante à horizon deux ans, nous permettant d’atteindre une taille critique en continuant de réaliser de nouvelles acquisitions à prix maîtrisé moyennant le maintien du management et la mise en place de compléments de prix en fonction des résultats atteints. Ensuite, pour passer un cap supplémentaire, un nouvel appel au marché pourrait être envisagé, sans perdre le contrôle de la majorité du capital."  

Evolution des investissements : vers un maintien de l’effort en 2021/22 (source : Nacon )

Comment expliquez-vous que les valorisations des sociétés cotées du secteur n’aient pas davantage profité du contexte sanitaire ?

"Le marché du jeu vidéo a cru à deux chiffres en 2020 malgré la fin du précédent cycle de consoles. La Covid a certes soutenu cette croissance et provoqué un engouement qui s’est affaibli ces derniers mois. Mais si l’on regarde devant, les nouveaux joueurs continueront de jouer occasionnellement au mois et l’arrivée de consoles de nouvelles générations, celles-ci ayant une durée de vie autour de 7 ans historiquement, va durablement relancer le secteur. Je suis donc très confiant sur les années à venir, pour le secteur, et pour Nacon en particulier."

Evolution comparée d’acteurs du jeu vidéo cotés depuis le mars 2020

En tant qu’éditeur de jeux vidéo, comment Nacon se montre-t-il responsable face aux problématiques d’addiction et de violence autour des jeux vidéo ?

"L’addiction fait partie du jeu. Plus les jeux sont addictifs, plus ils se vendent. Nous sommes un petit acteur qui fournit des jeux parmi les moins addictifs, et peut-être pas assez d’ailleurs ! C’est comme beaucoup de choses, il ne faut pas en abuser. Quant à la violence des jeux, je ne pense pas que les nôtres soient particulièrement violents et je ne crois pas avoir en catalogue de jeux interdits aux moins de 18 ans. J’ai déjà mis mon véto sur un jeu qu’un partenaire nous proposait pour des raisons de moralités."