Il existe pour résumer très grossièrement trois types de cloud : 

  • Le cloud public lorsque les données sont hébergées sur l'infrastructure d'un prestataire extérieur, type Microsoft ou Amazon ou Google. Cette formule est la moins onéreuse et la plus flexible. 
  • Le cloud privé, plus coûteux et compliqué à maintenir, mais souvent indispensable aux grands groupes avec d'importants enjeux de sécurité et de contrôle de leurs données. 
  • Le cloud hybride, c’est-à-dire un mélange de cloud public et privé, le premier pour les fonctions les moins stratégiques, le second pour celles qui nécessitent davantage de contrôle et de customisation.

NetApp s'est spécialisé dans cette dernière formule et propose à ses clients des formules clés-en-main pensées avant tout pour être flexibles et économiques. Il le fait manifestement avec un certain succès puisque ses solutions sont utilisées par tous les leaders dans toutes les industries. Dans un schéma classique de "ruée vers l'or" (ici la transition des infrastructures IT  vers le cloud), nous avons ici un cas classique d'acteur qui vend les pelles et les pioches au lieu de creuser des mines.

Les perspectives du cloud restent en effet radieuses, avec des estimations de croissance de la demande pour les services de public cloud de 15% par an et de 25% par an pour les services de private cloud.

Cela étant dit, au-delà des apparences et des promesses, l'analyse financière de NetApp révèle un profil différent des entreprises en croissance météorique qu'on observe souvent dans le secteur de la technologie. En réalité NetApp est une entreprise qui s'est complètement réinventée, d'un vendeur de hardware à un fournisseur de solutions software et conseil en stratégie. Ce pivot lui a permis de maintenir ses revenus et ses cash-flows, mais pas tellement de croître son activité. En fait NetApp est surtout une prouesse en matière d'ingénierie financière et de bonne gestion. A ce titre c'est une situation qui intéressera plutôt des investisseurs sophistiqués bien au fait de ces dynamiques. 

En effet, sur la dernière décennie (2011-2021), le chiffre d'affaires annuel reste remarquablement constant (6 milliards de dollars en moyenne). En revanche, le profil de marges s'améliore sensiblement (naturel dans une transition hardware vs. software) tandis que les coûts restent remarquablement sous contrôle. 

Source : Zonebourse 

Santé financière 

La position financière est excellente avec 5 milliards de dollars de passifs réajustés (attention à bien retraiter les 4 milliards de dollars de revenus reconnus d’avance, comptés parmi le passif selon les conventions comptables, mais en réalité il s’agit d'un actif qu’on pourrait assimiler à une "commande vendue mais pas encore délivrée entièrement") couverts par les seuls actifs courants (dont 4 milliards de dollars de trésorerie).

Au niveau des cash-flows, et c’est là que c'est intéressant et qu’on comprend bien la dynamique financière, le groupe génère en agrégat sur la dernière décennie (en soi un cycle économique à part entière, avec une reprise dans les années 2012-2013 suite à la grande crise financière de 2008 et les craintes d'un ralentissement qui se profile à l'horizon 2022-2023), 9 milliards de dollars de profits cash, nos fameux free cash flows (ici retraités des stock-options). 

La gestion du cash ne pose pas de problème dans des business de cette nature : l’activité est peu capitalistique, la structure de coûts est essentiellement variable, et les clients paient d'avance : les besoins de financement extérieur sont donc nuls. 

Quelques ratios de santé financière : 

Source : NetApp 

Allocation du capital 

Niveau allocation du capital - toujours sur la dernière décennie - NetApp a racheté ses propres actions à hauteur de 9,5 milliards de dollars (net des émissions de titres correspondant aux stock-options), distribué 2,5 milliards de dollars en dividendes, et consacré 2 milliards de dollars à des acquisitions dont le but n’était pas de croître en chiffre d’affaires mais de le maintenir à niveau. Le "gap" de 5 milliards de dollars entre l’emploi de ces ressources (de 9,5 milliards (rachats actions) plus des 2,5 milliards (dividendes) et des 2 milliards (acquisitions)), soit 14 milliards et la somme des profits cash de 9 milliards a été financée sur la trésorerie pléthorique (à hauteur de 3 milliards de dollars) et par une légère augmentation de l’endettement (à hauteur d’environ 1 milliard de dollars). 

En somme - et pour sortir de ces considérations techniques - NetApp est un business mature qui a su se réinventer pour maintenir son volume d'activité et sa capacité bénéficiaire mais ce n'est pas en soi un business en croissance malgré ce qu'on pourrait supputer (les rêves du cloud). C’est un très bon cas d’école car il correspond à une exemple typique d’un business mature qui retourne du capital à ses actionnaires. 

Cela dit, cette ingénierie financière intelligence aura permis de sensiblement doper le profit par action, car si le free cash flow reste plus ou moins comparable année après année, le nombre de titres en circulation a été divisé d'un tiers sur la période. Ainsi entre 2013 et 2017 le free cash flow moyen par action est de 2,3 dollars alors que sur la période 2018-2022 il est de 4,4 dollars, une sacré augmentation. Beau boulot de la part du management pour créer de la valeur pour les actionnaires. Et ceci malgré des exercices 2019 et 2020 où le besoin en fonds de roulement a consommé des ressources alors que d'habitude l'entreprise a un BFR négatif. 

Quelques ratios de profitabilité : 

Source : NetApp 

Valorisation 

Voilà donc ce qu'on peut en dire : au cours actuel de 66 dollars par action, on est sur un multiple typique de 15 fois le profit cash (free cash flow) moyen par action des cinq dernières années. C’est un multiple typique d'un business mature, profitable et bien géré dans ce contexte de taux

Pourquoi typique vous allez me dire ? Et bien à 15 fois les profits cash, cela nous donne un FCF Yield de 6,6%. Avec un taux sans risque (bonds du trésor américain à 10 ans) à 3,5%, cela veut dire une prime de risque de 3,1% (6,6 - 3,5), soit une valorisation typique de ce genre sociétés sans leverage. 

Risques 

Concernant les risques, citons notamment : 

  • La remontée des taux qui continue et compresse le multiple à juste titre ; 
  • Une société qui évolue dans une industrie hyper-compétitive ; 
  • Une baisse des marges à cause de la guerre des prix ; 
  • Une incapacité prolongée prouvée à renouer avec la croissance du chiffre d’affaires (se rappeler que le chiffre d’affaires est constant sur la dernière décennie mais avec l'inflation, en réalité, il diminue). 
  • La vente récente sur des cours sensiblement les mêmes de la part de plusieurs insiders, jamais un bon signe. 

Conclusion 

Bien que nous avons affaire à un business rentable, en bonne santé financière avec une équipe de gestion compétente, vous l’aurez compris sur la fin de cette analyse, la partie semble être trop risquée pour être jouée, d’autant plus avec les nombreuses opportunités qu’offrent le marché en ce moment. 

Source : Zonebourse