Un marché en pleine transformation 

Disney, HBO et Paramount sont tous en train de grignoter des parts de marché à Netflix (qui perd des abonnés, alors que ces « vieux » groupes médias sont en croissance exponentielle sur leurs activités DTC/streaming grâce à leurs catalogues exceptionnels. C’est la revanche du vieux monde sur le nouveau monde (thème vieux comme le monde sur les marchés financiers). 

Ces entreprises qui avaient perdu de leur popularité pendant des années ont réussi à remettre en marche la machine à cash et à voir leurs visibilités et ressources disponibles augmentée de façon exponentielle. En effet, Paramount enchaîne les blockbusters avec Top Gun : Maverick récemment (800 millions de dollars au box-office) et de nombreux autres comme Star Trek, Bob L’Eponge, Le Parrain, South Park, Mission Impossible, Terminator, Sonic, Patte Patrouille, Scream ou Kung Fu Panda. En même temps, leur plateforme de streaming Paramount+ (l’offre direct-to-consumer/streaming) est en forte croissance et gagne de plus en plus d’abonnés. On voit clairement que le marché est en pleine mutation et que les géants d’antan voient leurs dominances s’estomper petit à petit au profit de nouveaux acteurs: Disney+ (221 millions d’abonnés), Amazon Prime Video (120 millions), WarnerBros Discovery (92 millions) et Paramount (43 millions). 

Nombre d'abonnés Paramount Global par trimestre depuis 2019 :

Source : Statista

Des investisseurs à l’affût

Généralement, quand il y a de belles opportunités, les plus grands investisseurs et fonds ne sont pas très loin. Et comme de par hasard, Paramount, ex-ViacomCBS, est un investissement récent de Berkshire Hathaway, même si l’on ne sait pas si c’est un investissement de Buffett ou de l’un des deux gérants, Todd Combs et Ted Weschler. D’un côté, cela ressemble à un investissement de Weschler qui a une longue expérience avec l’investissement dans les médias et de l’autre côté, Berkshire est devenu le second actionnaire de Paramount avec 12,9% du capital. Depuis la fusion avec CBS en 2017, le groupe a un chiffre d’affaires entre 26 et 29 milliards de dollars avec des profits s’élevant à 5 milliards de dollars pour les 5 dernières années. Ces résultats permettent à l’entreprise d’avoir une market cap de 17 milliards de dollars, une valeur d’entreprise de 31 milliards de dollars et de pouvoir « crasher du cash à un rythme soutenu ». On comprend donc pourquoi, sur le papier, Paramount est un investissement « Berkshire-compliant ».

La guerre du streaming motive les observateurs à croire que le géant américain est une cible d’acquisition. Malgré un catalogue exceptionnel en termes de diversification, celui-ci n’a pas les moyens financiers ou l’expertise nécessaire pour faire la différence face à ses concurrents et ainsi devenir le leader incontesté. En termes d’acquéreurs potentiels, Amazon serait le plus crédible - pour faire la différence avec Prime Video - et il n’est pas impossible d’imaginer une OPA avec Disney et Netflix, malgré des possibles problèmes de financement. 

Et les résultats dans tout ça

Paramount est valorisé de manière attractive avec un PER de 10 à 12 fois et un EV/EBITDA à 8 à 9 fois. Ce type d’actif, dit « trophy asset », justifierait un premium associé à cette valeur, d’autant plus avec des marges d’exploitation et nette à 14,2% et 15,9%. Par ailleurs, l’entreprise profite d’un Leverage (Dette/EBITDA) à 3,33x et d’un Capex/CA à 1,16%. 

En même temps, la direction du groupe a largement réduit les objectifs en termes de retours de capital aux actionnaires (autrefois, Viacom rachetait ses actions en masse) pour davantage se concentrer sur l’investissement dans de nouveaux projets et continuer de progresser dans la guerre du streaming. Cette politique du groupe lui permet d’avoir un avantage compétitif sur ses concurrents, et notamment sur Warner Bros Discovery, qui malgré un très beau catalogue, doit orienter ses cash-flows vers le désendettement plutôt que dans l’investissement dans de nouveaux contenus. Cet avantage concurrentiel se voit également lorsque Paramount est dans une logique de développement de nouveaux contenus pour soutenir leur croissance, tandis que Warner Bros Discovery est dans une logique d’optimisation des coûts pour se désendetter. 

Une concurrence rude

Les grands groupes médias engagés dans le streaming war (Paramount, Disney, Netflix, Amazon, etc) suivent tous, sans exception, une stratégie de legacy assets toujours très rentables servant à financer leur développement déficitaire dans le streaming. Pour illustrer ce propos, il suffit de regarder les services annexes proposés par ces entreprises. Paramount a CBS, le cinéma, la télévision, etc. Disney a ses parcs d’attraction (USA, Japon, France, Chine, Hawaï, Hong-Kong) et son catalogue pléthorique sur le câble. Warner Bros Discovery a son catalogue pour dérouler HBO+. A l’inverse, Netflix n’a « que » son catalogue pour fidéliser ses clients et reste ainsi très dépendant des marchés de capitaux.

Pour finir 

Paramount et Disney semblent être les opportunités les plus « sûres » pour quiconque souhaitant investir dans le streaming avec un nombre d’abonnés croissant et un catalogue films/séries très diversifiés. A l’inverse, Warner Bros Discovery a un gros potentiel, avec un risque associé plus important évidemment, mais à un problème d’endettement majeur. Amazon n’a pas vraiment de catalogue, c’est-à-dire que de nombreux films/séries à disposition doivent être loués ou achetés, engendrant ainsi une hausse du coût de l’abonnement. Et Netflix reste trop dépendant des marchés de capitaux avec un catalogue parfois encore trop léger malgré des succès mondiaux comme Squid Game récemment, permettant à l’entreprise de regagner en visibilité. 

Petite anecdote pour finir, le CEO de Paramount reste très positif au sujet du potentiel risque de destruction de valeur dans le streaming. S’il admet que le futur proche exige d’investir agressivement dans de nouveaux contenus pour séduire le public et l’attirer vers l’offre streaming, à plus long terme il voit des marges dignes du broadcasting traditionnel (la TV) dans le streaming.

Évolution du chiffre d'affaires trimestre par trimestre sur les douze dernières années : 

Source : Statista

Pour aller plus loin :Retrouvez une analyse de Walt Disney Company en cliquant sur ce lien