SHANGHAI (Reuters) - Les Chinois seront de nouveau autorisés à voyager à l'étranger à partir du 8 janvier, mais les professionnels du secteur du luxe ne s'attendent pas à voir leurs clients habituels se précipiter vers les magasins de Paris ou Tokyo après avoir pris l'habitude de se fournir localement.

Compte tenu des restrictions drastiques liées à la politique "zéro Covid" imposée par Pékin jusqu'au mois dernier pour lutter contre la pandémie de COVID-19, les grandes entreprises du luxe ont investi en Chine pour offrir une alternative aux acheteurs qui ne pouvaient plus voyager.

Alors que les Chinois achetaient environ 70% de leurs produits de luxe à l'étranger jusqu'à début 2020, les ventes domestiques ont doublé pendant les deux premières années de la pandémie, pour atteindre 471 milliards de yuans (64,5 milliards d'euros), selon les données du cabinet de conseil Bain & Co.

Cela n'a pas empêché la part des consommateurs chinois dans le marché mondial de passer de 25% à 21% entre 2019 et 2021.

"On ne reviendra pas à 70%", estime Jonathan Yan, du cabinet de conseil Roland Berger à Shanghai. "Je suis sûr que les gens continueront à acheter à l'étranger parce que c'est naturel quand on voyage, mais on devrait se rapprocher d'un ratio 50-50", ajoute-t-il.

De nombreuses entreprises du secteur, comme le français Louis Vuitton, une des marques du groupe LVMH, ou l'américain Tapestry, ont ouvert depuis trois ans de nouveaux magasins et organisé des défilés de mode en Chine pour fidéliser leur clientèle.

Les restrictions de voyage et les mesures incitatives ont aussi favorisé l'essor des magasins hors taxes de l'île chinoise de Hainan, dont la part dans le commerce domestique de produits de luxe est passé de 6% avant la pandémie à 13% en 2021.

D'ici à 2025, les marques de luxe étrangères pourront ouvrir leurs propres boutiques hors taxes en Chine au lieu de devoir s'associer pour cela à des partenaires locaux, comme China Duty Free Group.

La baisse des taxes à l'importation sur les produits de luxe décidée par le gouvernement de Pékin en 2018 et 2019 les a en outre rendu plus attractifs sur le marché chinois, avec un différentiel de prix ne dépassant plus 10-20%, contre 50-60% auparavant.

Dans ce contexte, Luca Solca, analyste chez Bernstein, ne s'attend pas à une reprise significative du tourisme chinois en Europe avant 2024.

Depuis l'annonce de la levée des restrictions de voyage, les recherches sur internet et les réservations ont essentiellement bénéficié à des destinations régionales comme Hong Kong, la Corée du Sud et le Japon.

(Reportage de Casey Hall, version française Tangi Salaün, édité par Blandine Hénault)