PARIS (Reuters) - Des groupes d'activistes et de défense des droits de l'homme ont appelé mercredi TotalEnergies à bloquer le financement dont la junte birmane bénéficie grâce aux activités gazières du groupe dans le pays.

Alors que l'entreprise a jusqu'à présent exclu de cesser ses activités en Birmanie et ses versements au pays, malgré le coup d'Etat militaire du 1er février dernier, les organisations demandent à TotalEnergies de faire en sorte que les paiements "soient placés sur un compte séquestre jusqu'à ce qu'un gouvernement démocratiquement élu soit en place".

Les auteurs de cet appel, qui incluent Global Myanmar Spring Revolution (GMSR), Blood Money Campaign (BMC), Info Birmanie et La Communauté Birmane de France, ont également indiqué lors d'une conférence de presse avoir écrit une lettre ouverte au PDG du groupe, Patrick Pouyanné, approuvée par 789 organisations.

Présent en Birmanie depuis 1992, TotalEnergies y exploite essentiellement le champ de gaz en mer de Yadana, qui permet d'assurer la moitié de la production d'électricité de Rangoun et 12% du gaz consommé par la Thaïlande, via un gazoduc de la société d'Etat Myanmar Oil and Gas Enterprise (MOGE), contrôlée par l'armée et dont les activistes souhaitent qu'elle soit sanctionnée au niveau international.

Contacté mercredi, le groupe n'était pas en mesure de commenter la conférence de presse dans l'immédiat mais a cependant rappelé ses positions sur le sujet.

Au printemps, après avoir exprimé sa préoccupation et condamné la répression qui suivi le coup d'Etat, TotalEnergies a défendu sa décision de maintenir son activité en Birmanie en faisant valoir qu'interrompre l'approvisionnement en gaz aggraverait la situation de la population et que la junte n'hésiterait pas à soumettre ses équipes locales à du travail forcé.

Le groupe a aussi expliqué avoir envisagé de placer les sommes dues au titre des impôts et taxes sur un compte séquestre mais avoir conclu que ne pas les verser constituerait un crime selon le droit local et exposerait les responsables de sa filiale au risque d'être arrêtés et emprisonnés.

Outre l'arrêt de ses projets et forages en Birmanie, TotalEnergies a suspendu le versement de dividendes aux actionnaires d'une société qu'il codétient notamment avec MOGE et a décidé de publier tous les trimestres les impôts et taxes qu'il paie à la Birmanie et de verser un montant équivalent aux organisations "travaillant pour les droits humains" dans le pays.

Sur son site internet, TotalEnergies fait ainsi état de 13,1 millions de dollars d'impôts et taxes versés à la Birmanie et d'accords de donations signés avec des organisations représentant un montant de 12,2 millions.

Les organisations opposées à la junte font cependant valoir que l'ensemble des ressources financières dont elle dispose grâce à la production de TotalEnergies en Birmanie - incluant des droits à la production faisant l'objet de paiements du thaïlandais PTTEP et pouvant atteindre plusieurs centaines de millions de dollars par an - doivent être prises en compte.

(Reportage Benjamin Mallet ; édité par Jean-Michel Bélot)