RTL est le premier réseau télévisé en Allemagne, en Hollande et en Hongrie, et le numéro deux en France et en Espagne. En plus d’un large spectre de chaînes de télévision, RTL possède également 36 stations radio. En France, le groupe détient par exemple les stations de radio RTL et Fun, mais aussi 48% de M6 Métropole Télévision, composée entre autres de la chaîne éponyme et de W9, Gulli, Teva ou 6ter.

Contrôlé à 76% par le conglomérat allemand Bertelsmann, lui-même contrôlé par la famille Mohn, RTL Group est sans nul doute le poids lourd européen des “broadcasters”. Il est actuellement au coeur d’une recomposition sectorielle, qui vient de connaître un rebondissement important avec l’échec du rapprochement entre TF1 et M6.

Performances opérationnelles

Au niveau du positionnement concurrentiel, avec 6,6 milliards de dollars de chiffre d'affaires et 56 chaînes, RTL est le premier réseau TV européen en termes de revenus, loin devant son compatriote ProSiebenSat.1 (4,4 Mds€), le britannique ITV (4 Mds€), l'italien MFE, ex-Mediaset (2,9 Mds€) et TF1 (2,4 Mds€). Mais le groupe allemand détient aussi la maison de production Fremantle, qui est en autre à l’origine des blockbusters "American Idol", "X Factor" et "L'Amour Est Dans le Pré". Fremantle distribue des centaines de programmes dans 180 pays différents.

Répartition des revenus (Source Société)

Concernant les parts de marché, RTL contrôle 27% du marché allemand. Ce taux atteint 23% en France, en plus de quelques belles franchises dans les contenus comme Top Chef ou Incroyable Talent. Côté Pays-Bas, RTL peut se vanter de posséder plus d’un tiers des PDM, offrant ainsi au groupe une excellente performance opérationnelle et financière en terre Hollandaise.

Comme expliqué précédemment, le groupe a tenté de faire fusionner M6 avec TF1 pour créer un poids lourd français qui serait devenu le numéro 3 européen. La consolidation faisait bien sûr sens car elle permettait d’acquérir des parts de marché arrogantes en plus de se créer un pouvoir de négociation considérable face aux annonceurs. Cette consolidation aurait aussi permis d’enrayer la dynamique négative que connaissent les revenus publicitaires (-19% en 2 ans). 

Malheureusement pour RTL le régulateur français ne l'a, assez logiquement, pas entendu de cette oreille. Une autre tentative de fusion-acquisition est en cours aux Pays-Bas.La cession de M6 reste cependant plus que vraisemblable puisque le CEO de RTL, Thomas Rabe, répète à l'envi qu'il y a un très fort intérêt notamment de fonds de private equity, qui sont pourtant historiquement assez peu enclins à acquérir des médias traditionnels. Une telle cession d'actifs s'inscrirait dans le programme de "rationalisation du portefeuille" déjà bien avancé puisque RTL s'est séparé de ses activités en Belgique et en Croatie en 2021 et 2022.

Face aux mutations du secteur, le groupe tente aussi de développer ses propres plateformes de streaming tels que RTL+, 6play, Videoland ou encore Salto. Ses plateformes connaissent une forte croissance et les accords de distributions stratégiques avec les studios américains Warner Bros et Paramount confortent les perspectives futures quant au développement de cette stratégie. 

Pour autant, en dépit de cette dynamique (48% de hausse des abonnés en un an), le nombre de clients n’atteint que 4,8 millions de personnes. Loin derrière les poids lourds du secteur comme Netflix (67 millions d'abonnés en Europe) ou Disney+, RTL Group à cependant la possibilité de produire une énorme quantité de contenus à bas coûts et ainsi plus facilement rentabiliser ses investissements. L’objectif du groupe est d’atteindre la profitabilité sur cette branche streaming d’ici 2026, ce qui pourrait être rendu possible si RTL atteignait les 10 millions d'abonnés et le milliard d’euros de revenus. 

Mais pour le moment, la section streaming du groupe continue de consommer une importante quantité de cash. Deux points importants viennent cependant rendre le développement de cette activité intéressant pour un tel groupe. Primo, disposer d’une maison de production comme Fremantle permet de produire beaucoup de séries en interne tout en les déclinant dans plusieurs langues. Ceci permet au groupe de produire son propre contenu, et ainsi améliorer sa profitabilité. Secondo, l’autofinancement de cette branche est rendu possible via les activités TV qui restent une machine à cash hors normes même si nous nous attendons à un déclin structurel avec un audimat qui vieillit et de jeunes générations qui consomment de nouveaux types de médias (Youtube, TikTok, Netflix…).

En bref, la stratégie du groupe est donc axée à la fois sur le développement de ses activités production via Fremantle et ses activités de streaming pour compenser les activités TV traditionnelles qui connaissent un déclin structurel.

Les activités en France et aux Pays-Bas affichent des marges élevées

Performances financières

Si nous jetons un œil aux comptes consolidés sur la dernière décennie (2011-2021) les revenus restent relativement stables. Près de 5,7 Mds€ en 2011 contre 6,6 Mds€ en 2021, soit une absence de croissance une fois ces chiffres ajustés de l'inflation. Or pour ce type d’entreprise, l’augmentation des cours n’est vraiment ce que l’actionnaire attend. L’attention de l’investisseur se situe au niveau des marges et du retour de liquidités. Deux critères sur lesquels RTL offre quelques atouts. Le groupe allemand reste une machine à cash et a généré exactement 10 Mds€ de free cash-flows sur la dernière décennie. Une fois rapportée à une capitalisation boursière actuelle de 5 Mds€, la valorisation est assez exceptionnelle. On notera tout de même, par souci de précision, que dans ce profit cash cumulé sur 10 ans, 1 Md€ provient de cessions d'actifs. Mais pas de quoi remettre en cause nos propos précédents.

Concernant l’analyse bilantielle, la gestion très conservatrice du groupe, sans doute liée à l’actionnariat, permet à RTL de ne pas présenter un levier financier dangereux. Certains considéreront même cette gestion comme trop timorée : par exemple, couper le dividende en 2020 n’était peut-être pas nécessaire.

L’allocation du capital est très simple à retracer. Sur ces 10 Mds€ de profits cash 8,4 Mds€ ont été distribués en dividendes, 1,2 Md€ a servi aux acquisitions, le reste ayant été utilisé dans le menu désendettement du groupe et la gestion de l'intendance. Pour caricaturer la gestion de l’entreprise, le groupe Bertelsmann "milke the biz” et à raison. Ce qui rend la valorisation encore plus attractive pour quiconque pensant que les activités média traditionnelles ne vont pas tant décliner sur la prochaine décennie.

Un profil très “value”

Perspectives futures

Il pourrait être tentant de valoriser le groupe via la somme de ses composants, et ainsi prouver que la capitalisation boursière de RTL Groupe sous-estime la valeur de ses différents actifs. Mais il est en réalité assez peu recommandable de procéder ainsi car c’est une méthode historiquement assez peu fiable. D’autant plus que les actifs importants du groupe sont très variés ; les chaînes TV sont les vaches à lait du groupe, les plateformes de streaming servent à assurer la transition de l'audimat et Fremantle produit les contenus des deux entités précédentes. 

RTL a donc besoin de tous ces médias pour garder sa pertinence face aux annonceurs et aux studios américains de distribution. Fondamentalement, il s’agit toujours d’une société très intéressante, mais pour laquelle le pessimisme du marché reste important. La télévision traditionnelle est un secteur en décroissance structurelle, mais probablement sanctionné de manière injustifiée. La rentabilité des opérations reste au rendez-vous et elle ne devrait pas fondre du jour au lendemain. D’autant plus quand l’actionnaire de référence est au contrôle depuis près d’une décennie.