Ajoute réaction du gouvernement norvégien à l'appel en faveur d'une interdiction aux 6e et 7e paras

OSLO (awp/afp) - Immoral? Dangereux? En Europe du Nord, la pression grandit sur les banques pour qu'elles renoncent à distribuer leurs copieux dividendes dans un contexte de tempête économique soulevée par l'épidémie de nouveau coronavirus.

Cible de choix d'une partie de l'opinion publique encline à fustiger ses profits et sa propension à se tourner vers le contribuable quand le vent tourne, le secteur bancaire doit composer avec les exigences d'autorités nordiques pointilleuses.

Parmi les initiatives les plus radicales dans la région, l'Autorité de surveillance financière norvégienne (Finanstilsynet) a préconisé mercredi d'interdire "jusqu'à nouvel ordre" aux banques et assureurs du pays de verser des dividendes au titre de 2019.

"Une interdiction de verser des dividendes et autres rémunérations (aux actionnaires, ndlr) aura un impact profond", a souligné Finanstilsynet, qui a envoyé une lettre en ce sens au ministère norvégien des Finances.

"Compte tenu de la crise généralisée dans laquelle se trouve le pays, Finanstilsynet est néanmoins d'avis qu'une telle mesure est nécessaire pour promouvoir la stabilité financière", a-t-elle ajouté dans un communiqué.

Dans la soirée, le gouvernement a rejeté une interdiction --sans l'exclure "à l'avenir"-- mais a appelé les banques à différer tout versement "jusqu'à ce que les grandes incertitudes sur l'évolution de la conjoncture s'amenuisent".

"Je compte sur les établissements financiers pour qu'ils aient compris la gravité de la situation économique et qu'ils reportent leurs décisions sur les dividendes pour les actionnaires", a déclaré le ministre des Finances, Jan Tore Sanner, dans un communiqué.

Dans les autres pays nordiques, les pouvoirs publics ont aussi invité les banques à réexaminer la rémunération des actionnaires.

L'Autorité de surveillance financière finlandaise a fait savoir qu'elle "suivrait étroitement" l'allocation des aides pour veiller à ce qu'elles n'aillent pas au paiement de dividendes ni de bonus.

"Quand les gens risquent de perdre leur emploi et les entreprises de chavirer, ce n'est pas le moment pour les banques de verser des dividendes à leurs propriétaires", a quant à lui déclaré le ministre suédois des Marchés financiers, Per Bolund.

Au Danemark, gouvernement et secteur bancaire ont convenu lundi d'encourager les banques à "reconsidérer les paiements de dividendes et les rachats d'actions déjà prévus compte tenu de la grave situation financière".

'Ni nécessaire, ni souhaitable'

Les prospères économies scandinaves n'ont pas échappé au tumulte économique engendré par la pandémie de coronavirus: défaillances d'entreprises et chômage ont bondi ces dernières semaines.

La Norvège dit tabler sur un recul de 1% de son PIB cette année et les fleurons nordiques souffrent: H&M a fermé près de 3.500 magasins dans le monde, Lego plus de 150 boutiques, et les compagnies aériennes SAS et Norwegian Air Shuttle ont suspendu l'essentiel de leurs vols.

Comme un peu partout sur la planète, de nombreuses entreprises nordiques ont suspendu ou réduit leurs dividendes.

Ceux promis par les banques font donc tache à l'heure où de grosses inquiétudes planent sur la trésorerie des entreprises en dépit des aides gouvernementales massives et, comme en Norvège, une baisse marquée des taux d'intérêt.

A elles seules, les quatre plus grandes banques en Suède ont prévu de reverser près de 5 milliards d'euros à leurs actionnaires au titre de 2019. Seules deux d'entre elles, Swedbank et SEB, disent réfléchir à un ajustement.

En Norvège, la banque DNB, qui a promis 14 milliards de couronnes (1,2 milliard d'euros) de dividendes pour l'an dernier, a indiqué que son conseil d'administration allait "évaluer" la situation jusqu'à l'assemblée générale fin avril.

L'Autorité de surveillance financière norvégienne n'affiche cependant pas la même patience.

Jugeant que la "situation est extraordinaire", elle a prôné l'interdiction des dividendes dès à présent, quitte à les verser ultérieurement, une fois la tempête passée.

Une recommandation "ni nécessaire, ni souhaitable" aux yeux de l'organisation représentant les établissements financiers, Finans Norge.

"Si une réglementation voit le jour comme cela a été proposé, cela enverra un signal aux marchés internationaux des capitaux comme quoi la situation en Norvège serait pire qu'elle ne l'est", a affirmé son directeur, Idar Kreutzer.

afp/rp