Zurich (awp) - La Banque nationale suisse (BNS) a reconduit jeudi sa politique monétaire expansionniste pour continuer à soutenir l'économie helvétique toujours malmenée par la crise du Covid-19. Le virus continue d'ailleurs de peser sur la conjoncture, amenant l'institut d'émission à réviser en baisse ses projections de croissance.

La banque centrale est restée fidèle à elle-même, reconduisant son taux directeur et le taux d'intérêt négatif appliqué aux avoirs à vue à -0,75%, un niveau où ils se trouvent depuis 2015.

L'institut d'émission "poursuit sa politique monétaire expansionniste afin d'assurer la stabilité des prix et de continuer à soutenir la reprise de l'économie suisse face aux conséquences de la pandémie de Covid-19", a-t-il souligné dans un communiqué.

Alors que le franc est une monnaie refuge plébiscitée en temps de crise, la BNS reste "disposée à intervenir au besoin sur le marché des changes afin d'atténuer les pressions à la hausse" sur la devise nationale. Pour la banque centrale, la monnaie helvétique reste en effet à "un niveau élevé".

Depuis le début de l'année, le franc s'est en effet raffermi vis-à-vis de l'euro, ce qui renchérit les produits helvétiques exportés vers la zone euro. Alors qu'il s'était relâché jusqu'à 1,1118 franc pour un euro début mars, la monnaie suisse s'est depuis nettement renchérie, atteignant 1,0696 EUR/CHF mi-août en pleine vague estivale de coronavirus et de propagation du variant delta.

De retour aux commandes après une intervention chirurgicale au coeur, le patron de la BNS Thomas Jordan a également suivi dans la lignée de la Réserve fédérale américaine (Fed). Cette dernière a annoncé mercredi soir, à l'issue de la réunion de son Comité monétaire, le maintien des taux directeurs dans la fourchette de 0% à 0,25% dans laquelle ils avaient été abaissés en mars 2020.

La Fed a par contre signalé qu'elle pourrait dans un avenir proche commencer à réduire son soutien monétaire à l'économie, bien que la reprise ait été ralentie par le variant delta. Le rythme des achats d'actifs pourrait "bientôt" commencer à diminuer, "si les progrès (économiques) se poursuivent", a souligné l'institut d'émission américain.

En Suisse, la BNS se veut un peu plus prudente, modérant ses prévisions de croissance pour cette année. Elle s'attend désormais à ce que le produit intérieur brut (PIB) progresse seulement de 3%, contre +3,5% dans ses précédentes estimations en juin, invoquant un rétablissement moins marqué qu'attendu dans les branches dépendantes de la consommation, telles que le commerce, l'hôtellerie et la restauration.

La croissance doit néanmoins retrouver avant la fin de l'année en cours son niveau d'avant-crise, malgré une sous-utilisation persistante des capacités de production.

Accélération modérée des prix

Sur le front de l'inflation, la situation est beaucoup plus détendue qu'aux Etats-Unis et dans la zone euro où les prix ont nettement accéléré. En Suisse, les anticipations pour l'année en cours et la suivante ont été relevées d'une dizaine de points de base à respectivement 0,5% et 0,7%. La projection pour 2023 demeure inchangée à 0,6%, nettement en dessous de la cible autour de 2%.

Le renchérissement reste alimenté par les produits pétroliers et les biens concernés par les difficultés d'approvisionnement.

Pour les analystes, la BNS n'a pas besoin de s'inquiéter avec une accélération des prix en août de 0,9% sur un an, contre 3% dans la zone euro et 5,3% aux Etats-Unis. La banque centrale suisse va néanmoins surveiller "attentivement" la progression de l'inflation, mais elle laissera d'abord agir la Banque centrale européenne (BCE) et la Fed avant d'envisager un resserrement de sa politique monétaire, ont rappelé les spécialistes de VP Bank dans un commentaire.

"La BNS ne montre aucun signe de nervosité", ont renchéri les économistes de LBBW Research. Selon ces derniers, "les prix à la consommation ont certes aussi accéléré en Suisse, mais à un rythme modéré".

Les spécialistes de Bantleon ont par contre estimé que les projections d'inflation de la BNS étaient trop faibles. Ils entrevoient une accélération des prix de 1,0% en 2022, au lieu des 0,7% anticipés par la BNS.

al/ol