L’hedging est une stratégie de couverture contre les risques de volatilité ; généralement appliquée pour se protéger des variations des matières premières, des taux ou des monnaies. 

Comme dans toutes les autres industries, l’hedging représente un coût significatif pour les novices. Si on s’y prend mal, on peut vite perdre de véritables fortunes. D’ailleurs, sur le long terme, on s'y retrouve tout aussi bien à s'accommoder de la volatilité et à évoluer unhedged que de tenter de lisser son prix en permanence et de suivre obstinément une stratégie d’hedging. 

Vous l’aurez compris, ce n’est pas donné à tout le monde, même pour les grandes entreprises. 

Un bon hedging demande : 

  • Un excellent savoir-faire, rare par défaut, mais qu'on retrouve cependant chez certaines compagnies aériennes comme Southwest Airlines, un groupe avec une culture au demeurant exceptionnelle. 
  • Une politique de gestion du risque ferme et bien institutionnaliséepour ne pas laisser d'initiatives personnelles prendre de risque insensé. Le bon hedging est toujours méthodique, quasi-systématiquement mécanique et donc bien souvent ennuyeux (un peu comme avec la gestion d'un portefeuille d'investissements de long terme : tenter d'anticiper les tendances – genre acheter au plus bas et vendre au plus haut – produira des résultats médiocres et entraînera de considérables coûts de friction (comprenez des frais de gestion élevés)). 

La difficulté de l’exercice du hedging pour une compagnie aérienne comme pour tout autre industrie (qui est d’ailleurs la même que l’investissement en bourse) est qu'il est contre-intuitif. Cela implique de céder des points de marge lorsque les prix sont très élevés pour se couvrir contre un risque de chute (protection du downside), et de prendre une option sur des éventuelles hausse de prix (captation de l'upside), même dans un contexte déprimé où toutes les projections sont négatives. Et ça, très peu de personnes en sont capables. D’où la nécessité d’être méthodique, mécanique et ennuyeux (à répéter 7 fois dans sa tête). 

Dans tous les cas, un bon hedging doit servir à lisser le profil de marge au fil des cycles plutôt qu'à miser sur une éventuelle hausse ou baisse. Ceci s'applique autant à une entreprise qui couvre son coût d’apprivoisement (par exemple une compagnie aérienne avec le carburant) qu’à un producteur de matières premières. Ainsi, un bon hedging doit être envisagé davantage comme un programme d'assurance que comme un pari spéculatif ou une volonté de réaliser un gain financier ponctuel. Le problème est qu'il est très difficile de maintenir cette discipline. Encore une fois : “méthodique, mécanique et ennuyeux”. 

À noter également qu’il existe un impératif institutionnel important concernant l’hedging : les créanciers exigent de l’emprunteur qu’il se couvre avec l’idée de garantir une certaine marge d’EBITDA, c’est-à-dire que l'entreprise reste en mesure de couvrir sa charge d'intérêts et d'évoluer dans ses covenants (les covenants sont des clauses, insérées dans des contrats de prêts conclus entre une banque et une entreprise, qui imposent au débiteur le respect de certains engagements spécifiques et notamment de ratios financiers). Le créancier va généralement demander à l’entreprise d’avoir des niveaux de dette qui ne dépassent pas un certain multiple d’EBITDA). Pour qu’ils acceptent de prêter, les créanciers exigent ainsi un minimum de visibilité. 

Maintenant que vous en savez plus sur l’hedging, il est temps de trouver des réponses à la question : mais pourquoi donc certaines compagnies aériennes se couvrent et d'autres pas ? 

  • Du côté des créanciers : Une première réponse pour se trouver dans le rôle des créanciers. Par exemple, la compagnie Southwest Airlines se hedging parce qu’elle a pu négocier des conditions de prêt exceptionnelles mais seulement en échanges de garanties via sa stratégie d’hedging. 
  • Du côté des actionnaires : Toujours dans le registre de l'impératif institutionnel, les actionnaires mettent parfois le holà sur ce genre de stratégie. Quand le prix est élevé et qu’on paie pour se hedger à la baisse, les actionnaires n’apprécient pas le gestion car ils perdent une partie de leurs profits. Dans ces cas-là, le management est accusé de ne pas saisir l'opportunité de réaliser des profits record, de perdre son sérieux, etc. Vous avez donc les ratios de l’entreprise qui en pâtissent comparés à ceux des concurrents unhedged ou tout simplement moins regardants sur ces risques de volatilité. À l’inverse, lorsque le contexte est mauvais, que les prix de vente sont bas, le management, qui prend des options pour se couvrir, peut se faire taper sur les doigts et être jugé trop agressif. 

Outre la complexité du processus, il n’est jamais facile de satisfaire toutes les parties prenantes avec sa politique de couverture : créanciers, actionnaires, belle-mère. 

En réalité, ce genre de questions (la gestion du risque en général) est souvent à mettre en rapport avec la culture d'entreprise dans son ensemble plutôt qu’un programme de hedging en particulier. Dans les cultures d'entreprises où les responsabilités sont diluées avec des managements mercenaires, obsédés par le court-terme, renouvelés régulièrement et dont la rémunération est étroitement liée aux versements de bonus en stock-options, la tentation naturelle de prendre des risques inconsidérés et de trouver un moyen de les justifier mène bien souvent à de mauvaises stratégies d’hedging. Pour ces entreprises-là, il ne vaut peut-être pas la peine de se couvrir (à moins contre la bêtise). 

Avoir une bonne stratégie de couverture relève donc principalement de la culture de l'entreprise : une culture saine, avec une vision à long terme et un management compétent et responsable. 

Et concernant les compagnies aériennes, les belles cultures d'entreprises se comptent sur les doigts de la main. Ce n’est plus vraiment un secret parmi les investisseurs que Southwest Airlines – dont vous trouverez une analyse fondamentale ici – est l’une des compagnies aériennes avec la culture d'entreprise la plus admirable