Genève (awp) - "Les crises macroéconomique et géopolitique que nous traversons seront douloureuses mais peuvent s'avérer un catalyseur de transition", a estimé Sergio Ermotti, président du réassureur Swiss Re, à l'occasion du sommet sur la finance durable Building Bridges qui s'est ouvert lundi à Genève.

"Nous devrons peut-être faire un pas en arrière pour nous préparer à la phase de croissance suivante", a-t-il expliqué lors d'une discussion sur l'efficacité des mesures financières face aux impératifs du changement climatique. "La crise énergétique constitue un choc qui nous empêchera de ne rien faire", a complété Sabine Magri, directrice des opérations d'UBS.

Ces déclarations viennent rappeler que depuis la conférence de Paris sur le climat, les efforts pour atteindre l'objectif de zéro émission nette d'ici à 2050 sont insuffisants, comme l'ont rappelé les participants. A cet égard, le monde de la finance possède des leviers considérables, a rappelé M. Ermotti, qui a également été directeur général d'UBS jusqu'en 2020.

Parmi les moyens d'influence d'une compagnie de réassurance, figure celui de ne plus assurer les industries les plus polluantes, ce que Swiss Re a déjà mis en oeuvre, a-t-il souligné. Une compagnie d'assurance ou de réassurance gère également des capitaux importants, qu'elle peut placer en fonction de critères durables.

Il convient également de guider et de rendre attentif les clients à réduire leurs émissions de CO2, a souligné M. Ermotti, rejoignant ici Patrick Odier, instigateur et président de Building Bridges, qui a insisté dans son message d'introduction sur le devoir fiduciaire des acteurs de la finance, et de la nécessité d'éduquer le client.

"Lors des journées consacrées aux investisseurs, ceux-ci ne posent jamais de questions sur les thématiques ESG (critères environnementaux et sociaux, gouvernance)", a déploré Christoph Aeschlimann, directeur général de l'opérateur de télécommunications Swisscom, également présent. Une constatation qui illustre l'écart entre l'urgence d'agir et les préoccupations de rentabilité des investisseurs.

Appel aux politiques à agir

Une société comme Swisscom peut pourtant agir, a expliqué son directeur général. Ceci passe notamment par la réduction des émissions directes de l'entreprise et de ses fournisseurs, par l'exemple donné aux autres acteurs, et enfin par l'éducation des clients en leur proposant des solutions de connexion mobile que réduisent par exemple les déplacements.

Une des difficultés consiste à mesurer les efforts en faveur de la transition, ont constaté les participants. Les normes des rapports ESG, que les entreprises publient désormais tous les ans, sont ainsi assez floues, a remarqué M. Aeschlimann. Pour Mme Magri, si la mesure des émissions de CO2 semble relativement fiable, d'autres questions se posent, notamment dans le secteur de l'immobilier, où les normes manquent encore de précision.

"Tout doit être mesurable", a insisté M. Ermotti, l'objectif très concret étant la distance qu'il reste à parcourir pour atteindre l'objectif de zéro émission nette d'ici à 2050. Une exigence qui rejoint ce que demandait M. Odier dans son allocution d'introduction: le besoin d'un cadre fixé par les politiques. Ce qu'appelle également M. Aeschlimann: les politiques doivent mettre en place des mesures qui incitent à aller dans le sens souhaité.

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