Société de services numériques fondée en 2000, Sword se distingue par sa clientèle de grands comptes et d’institutions politiques. Un positionnement haut de gamme qui se retrouve dans sa croissance organique et son niveau de marges. Et 2020 ne fera pas exception. Autre originalité : sa présence à l’international. Sur ce plan, le management a même préféré céder sa filiale française (près d’un quart des revenus) en 2020. Une décision qui illustre à quel point la création de valeur actionnariale anime Jacques Mottard. Entretien.

Jacques Mottard, avec 9% de croissance organique et 14% de marge d’Ebitda. Sword semble avoir surfé sur la crise en 2020. Quelles sont les facteurs clé de succès du modèle Sword, au-delà des 10% de revenus issus de la vente de logiciels ?

"Nous résistons aux crises pour différentes raisons. Tout d’abord, nous sommes très réactifs et nous nous efforçons d’anticiper toute dégradation de nos affaires. Ensuite, notre clientèle de très gros clients (Union Européenne, UEFA, ONU, Nasa, Pentagone…) auprès de qui nous remportons, de façon répétée car ils nous sont fidèles, des appels d’offre importants. Nous avons misé sur des « bid team », c’est-à-dire des équipes qui sont de véritables usines à rédiger des offres, basées en Grèce et en Ecosse pour certaines. Enfin, nous sommes totalement globalisés, ce qui nous assure des relais de croissance quand un pays est moins dynamique. Sur le dernier exercice, nous avons bénéficié d’une forte dynamique en Australie, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne."

 Pourtant, le secteur Oil & Gaz, qui a connu une année 2020 difficile, est prépondérant dans votre activité britannique ?

"La situation est particulière actuellement dans l’oil & gaz en mer du Nord. Les majors pétrolières exploitaient des puits depuis très longtemps et elles ont décidé de vendre leurs plateformes à de plus petits acteurs comme Serica Energy. Or, ces transactions requièrent la préparation de bases de données importantes sur ces plateformes : plans, historiques de forage, compte d’exploitation, etc. Cela nous aide beaucoup. Par ailleurs, nous venons de signer avec British Petroleum un gros contrat de 16 millions de pound pour les suivre à Houston. "

 Les gros contrats n’augmentent-ils pas les risques importants de dérapage de la rentabilité ?

"Il faut savoir que sur les très gros contrats, que nous remportons face à de grands acteurs qui ne pratiquent pas de dumping, nous fonctionnons via des commandes successives qui ont chacune leur cotation. Cela rassure et allonge notre carnet de commande, qui s’étale sur 26 mois maintenant que nous avons vendu la France."

Pourquoi avoir décidé de vendre la filiale française en 2020 et dans quelles conditions l’avez-vous vendue ?

"La France avait son autonomie et fonctionnait très bien. S’est présentée l’opportunité de vendre cette filiale qui réalisait 60 M€ de CA à ses managers avec l’accompagnement du fonds Argos. Le prix de vente s’est élevé à 81 M€ en valeur d’entreprise, à laquelle viendra s’ajouter un earn-out sur 2020-2022, la partie la plus importante étant concentrée sur 2021."

 Comment est vécu le fréquent changement de périmètre en interne ? Cela ne perturbe pas les salariés et la culture d’entreprise ?

"Ce sont des décisions que j’ai bien réussi à expliquer jusque-là. Le périmètre de Sword à fin 2020 est gelé pour 4 ans. J’ai personnellement l’impression que nous avons atteint, après les cessions d’Apak en 2018 et de la France en 2020, le périmètre idéal quant à la qualité des personnes qui composent nos équipes, de nos expertises technologiques et fonctionnelles, de la couverture géographique mondiale et des synergies possibles. Le Groupe bénéficie d’une position de n°1) dans des secteurs-clés tels que le Risk Management (Défense, Aviation), les Services au UK (Oil & Gas) et au BeLux (Union Européenne). De plus, partout ailleurs où nous sommes implantés, nous sommes devenus des acteurs-clés sur certains marchés comme le luxe et le sport en Suisse, ou l’ONU à New-York et à Genève. Nous commençons donc tous cette année 2021 dans le même bateau avec un plan stratégique 2021-2024 clair auquel une quarantaine de managers seront intéressés à la réussite."

 Quels sont les objectifs chiffrés visés par ce plan ?

"En termes de chiffres d’affaires, le business plan 2021-2024, hors micro-acquisitions et en-dehors de nouvelles initiatives, vise une croissance annuelle de 13% avec une marge d'Ebitda de 13%, le tout dès 2021."

Sword affiche une trésorerie nette de dettes financières de 106 M€ à fin 2020. Comment comptez-vous employer ces capitaux ?

"Une partie sera employée à compléter l’avance sur dividendes de 2,4 € par action payée en septembre 2020, par un dividende extraordinaire payé au 1er semestre 2021, lequel est en lien avec les profits exceptionnels dégagés par la cession de la France. 12 M€ seront employés à renforcer l’offre du pôle Software via un plan de R&D faute d’acquisitions à prix raisonnable actuellement. Nous n’avons pas budgété dans notre plan une réussite de ces nouvelles briques logicielles qui s’adresseront à de nouveaux secteurs et marchés (gestion de la conformité, gestion des risques, etc..). Des micro-acquisitions devraient également être réalisées. Enfin par prudence, nous souhaitons conserver une vingtaine de millions d’euros en caisse bien que nous aillions également une ligne de crédit disponible d’une centaine de millions d’euros."

 Vous n’êtes pas tout jeune. Qui vous succédera à la tête de Sword ?

"Je ne m’imagine pas vendre pour l’instant et cela me manquerait de ne pas avoir de fonction exécutive. Je ferais remarquer que 3 de nos 4 divisions ont un directeur exécutif. Viendra le temps, probablement avant la fin 2025, où je laisserai la main sur celle que je dirige pour me consacrer à la fonction de président... "

 Concernant l’avenir capitalistique de l’entreprise, préfériez-vous un Sword qui resterait indépendant autour d’une équipe de management renouvelée ou un Sword adossé à un grand Groupe ?

"Je préfère travailler avec des managers impliqués et fortement intéressés au résultat de leur entreprise. Cela nécessitera peut-être de faire appel à un partenaire financier adapté."

Rentabilité annuelle globale de l’actionnaire de Sword (Source : société)