Milan (awp/afp) - Nouveau coup de théâtre dans le feuilleton Telecom Italia: le fonds d'investissement américain KKR a décidé de faire cavalier seul en soumettant une offre non contraignante pour acquérir une part dans le réseau fixe de l'opérateur italien.

L'offre, annoncée jeudi par Telecom Italia (TIM), survient plus d'un an après la proposition de KKR de racheter la totalité du groupe pour 10,8 milliards d'euros. Cette offre avait été cependant jugée trop basse par le principal actionnaire du groupe italien, Vivendi.

L'annonce du regain d'intérêt de KKR pour Telecom Italia a été accueillie avec enthousiasme à la Bourse de Milan, où le titre s'envolait à la clôture de 9,54% à 0,287 euro.

Cette nouvelle offre de KKR, dont le montant n'a pas été précisé, rebat les cartes au moment où le gouvernement nationaliste italien multiplie les réunions avec les actionnaires de Telecom Italia pour définir l'avenir de l'entreprise, qu'il juge "stratégique".

La proposition de KKR valorise l'ensemble du réseau à "plus de 20 milliards d'euros" et le fonds compte acquérir "une part majoritaire", a indiqué à l'AFP une source financière.

KKR, déjà actionnaire à hauteur de 37,5% de FiberCop, l'opérateur du réseau de Telecom Italia, compte acquérir une part dans une future société regroupant son réseau fixe et Sparkle, filiale de TIM qui gère des câbles sous-marins.

Cette offre "porte sur une participation à définir", indique Telecom Italia, ajoutant qu'elle serait étudiée lors d'un conseil d'administration convoqué dans la journée.

Lourde dette

Le plan stratégique du PDG de Telecom Italia, Pietro Labriola, prévoit la scission entre le réseau de téléphonie fixe et les activités de services, pour réduire la lourde dette du groupe, qui s'élève à 25,5 milliards d'euros.

Le gouvernement, qui a été informé au préalable par KKR, "suit de près l'offre" du fonds d'investissement, a réagi le ministère des Entreprises dans un bref communiqué.

Rome "considère que la sauvegarde des niveaux d'emploi et la sécurité d'une infrastructure stratégique telle que le réseau national de télécommunications sont essentielles", a-t-il ajouté.

Le gouvernement de Giorgia Meloni avait suspendu en novembre une éventuelle offre de la Caisse des dépôts italienne (CDP), actionnaire à hauteur de 9,81% de TIM, pour le réseau de l'opérateur historique.

Les négociations entre la CDP et Telecom Italia avaient buté sur le prix du réseau, jugé trop élevé par l'Etat.

Les estimations de la valeur du réseau allaient de 15 milliards d'euros, avancés par des analystes, à 31 milliards d'euros réclamés par Vivendi.

Le gouvernement s'était engagé en novembre à esquisser pour fin 2022 les "meilleures solutions de marché" possibles pour Telecom Italia, sans toutefois annoncer de propositions concrètes.

Réseau sous contrôle public

L'objectif affiché par le gouvernement est "un réseau sous contrôle public" mais les moyens d'y arriver ne sont pas encore définis.

Si l'option d'une proposition commune avec la CDP pour le réseau fixe de Telecom Italia avait été étudiée un temps, le fonds américain KKR a finalement décidé de soumettre une offre en solo.

"Quel que soit le prix de l'offre, il est clair que cette démarche entre en conflit avec le plan explicite du gouvernement qui vise le contrôle public du réseau", ont estimé les analystes de Banca Akros.

Cependant, l'offre de KKR n'empêche pas la participation d'une entité publique comme la CDP qui pourrait prendre les commandes sur un plan opérationnel, a commenté une source financière.

Autre option, la CDP pourrait déposer prochainement sa propre offre pour le réseau, en association avec le fonds d'investissement Macquarie.

Le réseau de Telecom Italia devait être fusionné à terme avec celui de son concurrent Open Fiber, dont la CDP possède une part de 60%, mais ce projet a été gelé par le gouvernement.

Autre rebondissement dans la saga Telecom Italia, le président du directoire de Vivendi, Arnaud de Puyfontaine, avait à la mi-janvier claqué la porte du conseil d'administration du groupe italien.

En démissionnant de son poste d'administrateur, il souhaitait ainsi se donner davantage de marges de manoeuvre dans la concertation avec le gouvernement sur l'avenir du réseau de l'opérateur de télécoms.

afp/rp