Jérôme François, TFF Group a publié un 1er semestre spectaculaire après 3 à 4 années compliquées. Peut-on tabler sur un 2e semestre aussi bon ? 

"Nous avons bénéficié d'un alignement des planètes après quelques années pendant lesquelles les aléas climatiques, la hausse des matières premières et les dérèglements logistiques ont éprouvé notre résilience et appuyé sur nos marges. Nos lourds investissements dans le Bourbon ont également pesé. Cette année, nos activités Vins et Alcools se portent très bien avec des effets volumes et prix favorables conjugués à un effet de change positif (+16.8M€) et la contribution d’une croissance externe significative, la Tonnellerie Remond ayant contribué sur six mois pour 7,9 M€. Les 89,3 M€ de chiffres d’affaires supplémentaires ont permis une progression de notre résultat opérationnel courant de près de 24.9 M€, permettant à la marge opérationnelle courante de passer de 13.7% à 19.2%, un niveau plus conforme à notre historique… Cependant, malgré l’impact des croissances externes, du fait de la saisonnalité d’une activité qui bénéficie jusqu’à fin octobre des livraisons à nos clients de l’hémisphère nord, nous ne réaliserons pas le même niveau d’activité et de résultat au second semestre, clos à fin avril. De plus, même si nos carnets de commandes sont bien remplis, nous ne sommes pas à l’abri d’aléas climatiques, des lenteurs logistiques ou d’une parité euro-dollars moins favorable. Compte tenu de ces inconnues, nous avons rehaussé notre objectif de chiffre d’affaires annuel à un niveau de 390 M€ contre plus de 360 M€ auparavant."

Pouvez-vous revenir sur vos réalisations dans le Bourbon, relais de croissance sur lequel vous vous êtes lancés en 2016 ?

"C’est un succès. Après avoir décalé nos objectifs lors de la crise sanitaire, nous avons finalement atteint deux des trois objectifs fixés initialement. Nous devrions en effet réaliser plus de 150M$ sur cette activité cette année contre 120M$ visés et atteindre les 15% d’Ebitda escomptés. Avec plus de 650 000 fûts, nous sommes en retard sur les 800 000 futs espérés compte tenu des difficultés à nous approvisionner en chênes américains et à embaucher du personnel qui permettrait de travailler en 2x8. Les volumes auront tout de même plus que doublé en deux ans et les perspectives s'annoncent très favorables. Cette industrie s'inscrit sur des cycles longs, peu corrélés au cycle économique. Les grands acteurs du Bourbon aux Etats-Unis ont besoin de faire face à la hausse structurelle de la consommation domestique, favorable aux alcools bruns haut de gamme, et au dynamisme de l’export, vers l’Asie notamment. Leurs investissements dans les capacités de stockage s’imposent dans les années à venir pour absorber une croissance du marché final estimée à 5% par an d’ici 2026. Alors que nous avons mis 100 ans à atteindre les 25% de part de marché dans la tonnellerie à Vins, les 18% du marché du Bourbon captés en 7 ans constituent une performance exceptionnelle de nos équipes qui comptent aujourd’hui près de 1000 personnes réparties sur 9 sites."

Quelles sont vos prochaines ambitions sur ce marché captif du Bourbon ?

"Compte tenu de l’excellente visibilité donc nous disposons sur ce marché, le groupe va investir 25 M$ additionnels pour atteindre les 800 000 fûts en 2025 et se prépare à mobiliser des investissements complémentaires (capex hors BFR) de l’ordre de 60 M$ à horizon 2027/2028. Notre objectif à cet horizon est de produire annuellement 1 million de fûts tout en maintenant un taux d’auto-approvisionnement autour de 80% pour sécuriser la fourniture en merrains des deux tonnelleries en activité. Ces investissements visent également à poursuivre la diversification des approvisionnements en grumes et à renforcer les stocks de grumes et merrains. Concrètement, nous allons ajouter des lignes de production dans les deux tonnelleries et installer ou acquérir de nouvelles merranderies aux USA."

Pour quelle rentabilité ?

"La rentabilité sur le Bourbon sera bonne comme le montrent les 15% d’Ebitda déjà atteint grâce à la saturation progressive de notre outil actuel. Notre pricing power est bon et nous a permis de faire passer le prix de vente unitaire de 162 à 240 $. À terme, nous pourrions, moyennant une meilleure intégration de l’amont, atteindre le haut de fourchette de marge d’Ebitda visée initialement, soit 20%. Nous aurons alors investi sur la décennie 210 M$ en immobilisations et 190 M$ en BFR, soit 400 M$ de capitaux employés générant une Ebitda annuel de l’ordre de 50 M$."

Quelle sera votre politique de dividende compte tenu des résultats attendus cette année ? 

"Nous avions proposé un dividende en hausse, à 40 centimes, après cinq années à 35 centimes. Nous devrions au moins maintenir ce niveau mais il ne faut pas attendre une forte hausse car nos besoins d’investissements sont importants dans les années à venir et le BFR sera pénalisé par les hausses de prix et des délais de livraison pas encore revenus à la normale. Enfin, nous continuerons de croitre par acquisition sur le pôle Vins à l’image de notre prise de participation à hauteur de 51% au capital de Goulard et Fils, société d’exploitation forestière, de scierie et de merranderie qui réalise 2M€ de CA annuel."

L'Auteur est actionnaire à titre personnel.