NEW YORK (awp/afp) - Qu'importent les millions de chômeurs et les faillites d'entreprises : si les banques américaines ont dans une certaine mesure pâti au troisième trimestre d'une situation économique qui reste difficile, elles ont aussi profité de marchés financiers bouillonnants.

La période a été marquée par un réel contraste, observent plusieurs analystes.

D'un côté, les établissements bancaires traditionnels, qui prennent en dépôt l'argent des gens, leur accordent des prêts ou des cartes de crédit, "n'ont pas eu un trimestre excellent", explique Dick Bove, spécialiste du secteur pour Odeon Capital.

De l'autre, les banques d'affaires comme Goldman Sachs ou Morgan Stanley, celles qui opèrent sur les marchés financiers ou apportent leurs conseils aux grandes entreprises, "ont eu un trimestre inhabituellement bon", ajoute-t-il.

Signe d'une certaine stabilisation de la situation financière des ménages et sociétés, les grands établissements financiers ont mis beaucoup moins d'argent de côté pour couvrir les éventuels impayés de leurs clients dans les prochains mois qu'au deuxième trimestre.

La première banque américaine en termes d'actifs JPMorgan Chase par exemple n'a provisionné que 611 millions de dollars au troisième trimestre, contre 10,5 milliards au trimestre précédent.

Mais savoir quand et dans quelle ampleur les banques finiront par faire face à des défauts de paiement "reste un grand mystère", souligne M. Bove. "Car on ne sait pas si les aides du gouvernement ont vraiment réglé les problèmes financiers ou les ont juste reportés à l'année prochaine."

Les allocations chômages ou les subventions aux PME ont notamment permis à beaucoup de particuliers de rembourser plus rapidement les dettes de leurs cartes de crédit, et à beaucoup d'entreprises de refermer les lignes de crédit ouvertes en urgence par les banques au printemps.

"On ne pense pas qu'on verra une réelle augmentation des défauts de paiement avant le deuxième semestre de l'année prochaine", affirme la directrice financière de JPMorgan, Jennifer Piepszakr.

Mais la reprise reste fragile et la menace d'une deuxième vague massive de contaminations au coronavirus bien réelle.

Plusieurs responsables ont plaidé pour des mesures budgétaires supplémentaires.

Si un nouveau plan de soutien n'est pas adopté rapidement à Washington, où les négociations restent pour l'instant dans l'impasse, "on commencera à voir plus de pression avec des défauts de paiements qui arriveront à un rythme beaucoup, beaucoup plus élevé", prédit le directeur financier de Citigroup, Mark Mason.

Volatilité jusqu'à l'élection

En attendant, les mesures de soutien de la banque centrale américaine pèsent sur les profits des banques : en maintenant les taux d'intérêt proches de zéro, l'institution rend les prêts moins chers pour les particuliers et les entreprises, mais aussi moins rentables pour les établissements financiers.

Pour Bank of America et Wells Fargo, deux firmes qui participent largement au financement de l'économie réelle, les recettes générées par leur activité de prêts aux particuliers et PME ont respectivement baissé de 17% et 19%.

"Les banques traditionnelles n'ont plus qu'à espérer que l'économie se redresse nettement afin de recommencer à accorder beaucoup plus de prêts", et ainsi compenser avec du volume le peu d'intérêts qu'elles récupèrent sur chaque opération, remarque Kenneth Leon du cabinet CFRA.

Les banques d'affaires et les divisions dédiées au courtage et aux conseils aux entreprises ont, elles, gardé une forme éblouissante au troisième trimestre.

Goldman Sachs a presque doublé son bénéfice net tandis que son chiffre d'affaires s'envolait de 30%. Morgan Stanley a vu ses profits bondir de 26%.

Les recettes liées au courtage d'actions, d'obligations, de devises ou de matières premières se sont aussi envolées de 30% chez JPMorgan Chase et de 16% chez Citigroup.

Après les turbulences qui avaient marqué les marchés à l'arrivée de la pandémie aux Etats-Unis, ces derniers ont continué à se redresser au troisième trimestre.

Profitant des bas taux d'intérêt, les grandes entreprises se sont beaucoup endettées auprès des marchés, via des émissions obligataires, tandis que de nombreuses petites sociétés ont profité de la bonne santé des indices boursiers pour faire leur entrée en Bourse. Des opérations souvent pilotées par de grandes banques, qui prélèvent au passage une juteuse commission.

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