Sale temps pour "URW". L'ex "plus grosse foncière européenne" n'était déjà plus que l'ombre d'elle-même depuis 2018/2019 et le rachat controversé de l'australien Westfield, propriétaire de nombreux centres commerciaux aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. Une opération qui avait suscité de nombreuses critiques à l'époque. A juste titre, au regard de la situation actuelle, d'autant que la crise sanitaire est passée par là en finissant de déséquilibrer le fragile édifice qui avait été bâti pour boucler la transaction. La situation était devenue si explosive qu'une fronde menée par des actionnaires minoritaires, certes de renom, a permis de renverser le président du directoire durant l'automne, en faisant capoter une importante levée de fonds que l'ancienne direction jugeait indispensable.

Hier soir, les résultats 2020 sont venus confirmer que la situation est compliquée. Facialement, le bénéfice net de 1,06 Md€ peut faire illusion, mais il est à mettre en balance avec les engagements bilanciels du groupe, qui sont élevés. La nouvelle direction a confirmé son intention de réduire au moins drastiquement, si ce n'est totalement, l'exposition aux Etats-Unis. L'objectif est de recentrer les activités sur les centres commerciaux haut de gamme en Europe. Le rééquilibrage de l'activité se fera via un plan de cession important, mais pas par augmentation de capital. Pour se donner de la marge de manœuvre, la foncière a décidé de renoncer à verser un dividende au titre des années 2020, 2021 et 2022. Envolé pour trois ans donc le coupon XXL servi par la société, qui constituait l'un de ses principaux attraits.

Sur 1 an, la foncière sousperforme largement son secteur et le marché

Sur 1 an, la foncière sousperforme largement son secteur et le marché

"Nous reconnaissons le bien-fondé de cette approche prudente, mais elle laisse aussi entendre que le processus de redressement du secteur, et en particulier celui d'URW, sera long et difficile", explique Kai Klose, de Berenberg. Son homologue chez Jefferies, Andrew Gill, se montre encore plus pessimiste, jugeant que les difficultés s'amoncellent et que le covenant financier qui impose au groupe de limiter son ratio LTV (endettement rapporté à la valeur des actifs) à 60%, s'il paraît encore éloigné (le groupe affiche 44,7%), n'en est pas moins fragile. L'analyste estime même qu'il avoisine 50% en intégrant les dettes hybrides et celles qui sont logées dans les coentreprises. Ce niveau se compare à 42% chez Hammerson, 40% chez Klépierre et 34% chez The British Land.

Jefferies est passé ce matin de conserver à sousperformance sur Unibail-Rodamco-Westfield avec une valorisation réduite de 46 à 41 EUR. Berenberg est à conserver avec une valorisation de 60 EUR.

L'abandon des dividendes pour le moyen terme entraîne le titre en baisse de plus de 10% aujourd'hui. A plusieurs reprises ces derniers mois, des mouvements de fièvre haussière sont venus entrecouper la longue glissade. Ce fut le cas lors de la rotation frénétique de novembre au profit des valeurs décotées : +77% en moins de deux semaines. Ce fut encore le cas fin janvier lors de l'épisode de "short squeeze" qui avait démarré avec GameStop aux Etats-Unis. Unibail avait repris 28% en une semaine, avec la fuite des vendeurs à découvert, dont les intérêts ont chuté de 6 à 2% en quelques séances. Jusqu'ici, Unibail était sur le podium des valeurs les plus "shortées" en Europe depuis de longs mois. Mais si l'action a doublé par rapport à ses plus bas du début du mois de septembre, elle demeure très en-dessous du cours qui était le sien lors de l'ajout de Westfield à son patronyme, en 2019.

Du côté des analystes, on ne sait plus où donner de la tête. Sur 19 bureaux d'études en date du 11 février, trois sont positifs, six sont neutres et dix négatifs. Les objectifs de cours vont de 21,20 à 148 EUR (!). Chez AlphaValue, Christian Auzanneau a surtout noté que le management est prêt à réduire le périmètre aux Etats-Unis à tout prix, c’est-à-dire probablement avec une décote relativement élevée. Couplé à l'abandon du dividende, cela pourrait permettre de franchir l'écueil, selon l'analyste, qui voit aussi dans la seconde "grande réouverture post-vaccinale de mai-juin" un catalyseur positif. Pas encore de quoi remettre en cause son opinion à la vente sur le dossier. Mais un à surveiller quand même.

Pour approfondir le fonctionnement des foncières, retrouvez ici les trois épisodes consacrés au sujet par Xavier Delmas sur la chaîne Zonebourse.