Rio de Janeiro (awp/afp) - Accusé d'avoir employé des milliers d'ouvriers agricoles dans des conditions proches de l'esclavage dans un ranch brésilien en Amazonie dans les années 1970 et 1980, Volkswagen est entendu mardi par la justice prudhommale à Brasilia pour des atrocités commises durant la dictature militaire.

L'audience à huis clos, qui a débuté à 14H00 (17H00 GMT) selon des journalistes de l'AFP présents sur place, est une première étape "pour évaluer s'il est possible de trouver un accord" financier afin d'éviter des poursuites judiciaires, a expliqué à l'AFP Rafael Garcia, procureur en charge du dossier.

"Il y a eu des violations graves et systématique des droits humains et Volkswagen était directement responsable", a-t-il ajouté.

Les enquêteurs ont rédigé un dossier de 90 pages avec des témoignages sur les atrocités commises par des dirigeants de Volkswagen, dont au moins un Allemand, et des gardes armés dans un ranch de bétail de 70.000 hectares dont l'entreprise était propriétaire dans le bassin amazonien.

Selon ces témoignages, les ouvriers, embauchés notamment pour des travaux de déforestation, travaillaient dans des conditions proches de l'esclavage, forcés à dépenser presque tout leur maigre salaire pour acheter sur place de la nourriture vendue à des prix exorbitants.

"Les travailleurs étaient systématiquement victimes d'agression physiques. Ceux qui tentaient de s'échapper étaient frappés, attachés à des arbres et laissés sur place des jours durant", explique par ailleurs le procureur Garcia.

"Un ouvrier a tenté de s'échapper, mais s'est fait capturer. Pour le punir, ils ont enlevé sa femme et l'ont violée", peut-on lire dans le rapport d'enquête, un témoignage corroboré par trois personnes. D'autres témoignages font état de disparitions suspectes.

"Clarifier les accusations"

Le constructeur automobile allemand a assuré dans un courriel envoyé à l'AFP être disposé "à contribuer très sérieusement à l'enquête".

Mais il s'est pour le moment refusé tout commentaire sur le dossier, disant attendre l'audience de mardi pour "clarifier l'ensemble des accusations" dont il fait l'objet.

En 2020, le groupe avait payé 36 millions de réais (5,5 millions d'euros) pour indemniser des familles d'ex-ouvriers torturés ou assassinés durant la dictature militaire (1964-1985).

L'audience de mardi porte plus précisément sur la période 1974-1986. A l'époque, le groupe avait bâti une grande exploitation agricole en Amazonie, la "Companhia Vale do Rio Cristalino", qui est devenue le plus grand ranch de bétail de l'Etat du Para (nord).

Les atrocités ont été dénoncées dans un premier temps par Ricardo Rezende, prêtre catholique qui a passé des années à compiler des témoignages de victimes après s'être installé dans le Para en 1977.

"Réparation symbolique et nécessaire"

Le fait qu'un constructeur automobile décide de se lancer dans l'exploitation agricole peut sembler incongru, mais cela en dit long sur la politique environnementale du régime militaire, qui offrait des aides à des agriculteurs, mais aussi à de grandes entreprises, pour développer la région amazonienne à marche forcée, à grands coups de déforestation.

Volkswagen aurait notamment bénéficié d'abattements fiscaux et de prêts sans intérêt, grâce à ses liens étroits avec les généraux au pouvoir.

"D'une part, Volkswagen adorait la dictature, d'autre part (le ranch) était très lucratif, avec près de 6.000 personnes travaillant presque gratuitement", a estimé auprès de l'AFP le père Rezende, qui assure que ce genre de pratiques était répandue dans la région et qu'elles ont perduré après la fin du régime militaire.

"C'est impossible de compenser les souffrances d'une personne qui a été torturée en payant des indemnités. Il n'y a pas de réparation suffisante pour les souffrances des femmes dont les maris ou les fils ne sont jamais revenus", a insisté le prêtre. Mais selon lui, "une réparation symbolique est nécessaire".

afp/jh