Paris (awp/afp) - Gérard Mestrallet, l'ex-patron historique de Suez, a appelé mercredi le PDG de Veolia à entamer un dialogue, saluant l'arrivée de candidats alternatifs à la reprise de Suez.

"Suez a reçu une lettre d'intention d'Ardian et de GIP afin de permettre une solution amicale et rapide (au conflit généré par le projet d'OPA de Veolia, NDLR). Je ne peux qu'accueillir favorablement cette proposition", a-t-il dit au Sénat, devant le groupe de travail consacré aux conséquences du projet de fusion Suez-Veolia.

Pour lui, cette "alternative est un projet industriel qui mérite toute l'attention de Veolia. L'objectif est de garantir l'indépendance, et non le démantèlement, de Suez. Elle démontre l'intérêt des investisseurs français et internationaux pour la stratégie (industrielle) de Suez".

"J'invite Antoine Frérot (PDG de Veolia, NDLR) à saisir la main tendue, sans préalable. Il y a deux projets: le projet Veolia et le projet Suez-Ardian. Donc les dirigeants doivent se parler et chercher une bonne solution. Et peut-être qu'ils trouveront une 3e voie, mais qui sera négociée et amiable", a dit M. Mestrallet, qui fusionna Suez avec la Lyonnaise des Eaux puis avec Gaz de France.

"Les fusions sont parfois nécessaires. Mais elles ne fonctionnent que si elles sont amicales, préparées par les deux entreprises et dans le détail", a-t-il dit, déplorant que Veolia veuille "imposer unilatéralement son projet".

Les deux leaders français du traitement de l'eau et des déchets s'affrontent depuis que Veolia a entrepris d'absorber Suez.

Ce dernier a annoncé dimanche avoir reçu une lettre d'intention des fonds Ardian et GIP, prêts à investir au même prix que Veolia.

Selon le Canard Enchaîné, les deux fonds se sont entendus pour contrôler chacun 30% de Suez, au terme d'un pacte les engageant pour six ans. "Pas de commentaire", ont réagi Suez et Ardian, sollicités par l'AFP.

Antoine Frérot s'est dit lundi prêt au dialogue, sur la seule base de son projet de création d'un "champion mondial" du secteur, refusant de céder les 29,9% de Suez qu'il a déjà rachetés à Engie (l'ex-GDF Suez).

Pour M. Mestrallet, ce plan génèrerait "un petit acteur français dans l'eau" -l'ex-Suez constitué d'actifs que Veolia ne pourrait garder face aux lois antitrust- et un Veolia "acteur international écrasé de dettes et affaibli dans sa capacité d'investir". "Finalement le résultat de cette opération, peut-être même est-ce le but non avoué, est que Veolia aura détruit son grand concurrent", prophétise-t-il.

"Une solution simple consisterait à ce que Suez rachète les 29,9% à Veolia contre des actifs qui feraient sens pour Veolia", suggère l'ex-patron. Ces parts ensuite revendues permettraient à Suez d'investir: "On aurait renforcé les deux groupes".

L'ex-président d'Engie a aussi critiqué la façon dont ce groupe a mené la vente à Veolia, en octobre 2020.

"Je m'y serais pris différemment: c'était à Engie de fixer les modalités et le calendrier, et pas de se les laisser imposer par Veolia. Si le processus avait été organisé sur six mois, aujourd'hui nous aurions deux offres faites à Engie au même prix, et Engie aurait pu vendre à un actionnaire choisi par Suez au lieu de vendre au concurrent historique".

Quant au rôle de l'État, dont les représentants, minoritaires, au sein du conseil d'Engie ont voté non à la vente, "l'État a été battu, et c'est étonnant sur un sujet de cette importance", a-t-il commenté.

afp/rp