LE PECQ (awp/afp) - Près de Paris, plusieurs dizaines de blouses blanches s'activent dans un vaste open space industriel: c'est le centre de recherche de Suez, fierté de l'entreprise, et un enjeu dans la bataille du rachat lancée par Veolia.

Installé sur ce bord de Seine depuis 1934, le Centre international de recherche sur l'eau et l'environnement (Cirsee) s'est d'abord intéressé aux pollutions fluviales et aquifères voisins. Mais avec l'internationalisation de Suez et la montée des enjeux environnementaux, son champ d'action a débordé.

Alignées dans un hall aéré rempli de machines ronronnantes, les unités, animées par des chimistes, biologistes, spécialistes des matériaux et même un médecin, se consacrent aujourd'hui qui aux eaux usées qui aux plastiques.

"De métiers tournés vers l'eau, nous nous sommes étendus vers le recyclage et la valorisation. Et ce centre a essaimé dans le monde. C'est le coeur du réacteur", explique le directeur général de Suez Bertrand Camus, venu en visite vendredi.

"La recherche-développement est un sujet clé en terme de différenciation: le savoir-faire basé sur l'innovation permet de gagner des contrats, de mieux répondre aux attentes des clients", dit-il.

Le géant de l'eau et des déchets se débat depuis que son vieux rival Veolia a annoncé sa ferme intention de l'absorber, en commençant par le rachat de 29,9% de ses parts début octobre à l'énergéticien Engie. Quand Veolia parle de créer un "grand champion français", Suez répond "casse industrielle" et fin de la "saine concurrence".

Pour respecter les lois anti-trust, Veolia devra en tout cas céder la branche Eau France de Suez, dont le Cirsee. Et il a trouvé un repreneur, le fonds d'investissement spécialisé dans les infrastructures Meridiam.

Une offre "Covid city watch"

Au Cirsee, qui produit une dizaine de brevets par an, parfois avec des universités ou des instituts, l'équipe décrit ses avancées, dans la décarbonatation pour détartrer l'eau, ou dernièrement un dispositif pour identifier les plastiques agrégés dans les déchets.

Aujourd'hui elle travaille au recyclage chimique (et non plus mécanique) des plastiques, et vise une première usine d'ici trois ans, dit Reynald Bonnard, le directeur.

Autre enjeu, la traque des virus dans les eaux usées. Suez peut ainsi sortir une offre "Covid city watch" pour les villes en Espagne, France, Inde...

On y teste aussi depuis sept ans une "bactérie miracle", explique Anne-Lise Avril, directrice de la recherche: l'anammox, capable de traiter les eaux usées avec moins d'oxygène. Bilan: 50% d'energie économisée, plus de biogaz, moins de boues. Et une première station en construction, en Australie, 20 ans après la découverte de cette bactérie par des chercheurs hollandais.

Natalia Pouzyreff, la députée (LREM) du secteur, écoute attentivement. Le projet de fusion Suez-Veolia "attire l'attention des parlementaires", dit-elle.

"On sait le temps qu'il faut pour monter de la R-D, des réseaux à l'international... Mon souci est qu'il ne faut pas affaiblir cette capacité", ajoute-t-elle.

La recherche (une quinzaine de centres autour de ce "navire-amiral", 120 millions d'euros annuels), "c'est l'ADN de Suez car nous avons toujours été le challenger", assure Bertrand Camus.

Pour lui, un rachat serait "un appauvrissement" des capacités d'innovation: moins de choix, moins d'amortissement à l'international.

Veolia affirme le contraire, évoque les synergies d'expertise, assure aussi qu'il garderait les activités déchets du Cirsee.

Meridiam, lui, entend reprendre tout le Cirsee, "difficile à scinder". Et il ne compte pas se limiter aux seuls marchés de l'eau en France, dit-on, assurant que le "projet à terme est international".

"Nous sommes un groupe d'ingénieurs, donc tout ce qui a trait à la R-D est fondamental", dit un porte-parole.

cho/pn/cbn