Mi-2019, le spécialiste de la sécurité logicielle Inside Secure prenait le nom de l’entreprise californienne rachetée en février 2019 pour 143M$ : Verimatrix. A l’initiative de cette opération ambitieuse, Amedeo D’Angelo, redresseur d’Ingenico avant d’en quitter la direction en 2007. Ce manager expérimenté donnait alors un nouvel élan à Inside Secure dont la trajectoire présentée lors de l’introduction en Bourse en 2012 ne fut pas du tout respectée. Cette société qui siège entre Aix en Provence et San Diego a depuis 2019 un fort tropisme américain et publie ses comptes en dollars. 

Amedeo D’Angelo, Verimatrix n’est pas la société la plus simple à présenter…

"En prenant la direction d’Inside Secure en 2015, j’étais en terrain connu, cette société étant un spin-off de Gemplus que j’ai présidé en 1994. L’entreprise avait pour mission les transactions sécurisées sans contact à partir de puces NFC, technologie qui n’avait alors pas réussi à s’imposer. En tant que PDG, j’ai décidé de sortir de l’activité semi-conducteurs où nous manquions de taille critique pour se concentrer sur la sécurisation via les logiciels. La stratégie de rachat de Verimatrix en 2019 visait à devenir leader sur un des produits déjà présents chez Inside Secure : la protection des contenus, et en particulier les films premium et le sport en direct pour le compte de leurs diffuseurs : acteurs du câble, opérateurs télécoms, plateformes OTT, etc. Aujourd’hui, nous sommes en mesure de protéger tous types de contenus, de données sensibles et de sécuriser toute transaction. Cela nous ouvre des possibilités de débouchés dans la santé, l’IOT avec l’arrivée de la 5G, l’automobile, etc".

Pouvez-vous nous illustrer le cœur de l’activité de Verimatrix en prenant l’exemple de quelques gros contrats ?

"Nous comptons aujourd’hui 750 clients actifs dans 120 pays. Leur taux de satisfaction atteint les 99% ce qui nous a valu un prix récemment. Nous avons bien sûr de grands clients américains mais leur nom doit rester confidentiel. Je peux néanmoins citer AT&T, Direct TV et Globo TV au Brésil. En Europe, Deutsche Telecom est notre plus gros client sur la protection de leurs distributions de vidéos et de jeux vidéo. En Asie, le 1er client est le 1er opérateur télécom indien à qui nous vendons nos solutions de protection multi-DRM (Digital Right Management pour l’OTT, la diffusion par satellite, IP TV, etc.). Nous faisons partie des 4 acteurs qui comptent le plus dans notre secteur, sachant que nous étions les premiers à nous lancer dans la sécurité par logiciel, sans utiliser la carte à puce. Le leader mondial, Nagra Kudelski, a une technologie qui repose historiquement sur la carte à puce. "

Source : présentation société du 10 mars 2021

Source : présentation société du 10 mars 2021

Vous avez-également un certain nombre d’activités annexes…

"Oui, nous avons des reliquats d’activité issus de notre histoire comme certaines licences de brevets sur le standard NFC. Et, plus au cœur de notre stratégie, nous développons des activités stratégiques comme l’Analytics, c’est-à-dire l’exploitation de données de masse afin de communiquer des données qualitatives aux opérateurs, à des fins de fidélisation de leurs clients notamment. Notre ligne de produits Watermarking permettent également de tracer les utilisateurs qui piratent les contenus. Nous continuons également d’investir dans notre produit historique d’authentification forte afin de sécuriser les transactions."

Alors que la Bourse parisienne évolue sur ses plus hauts, le titre a très mal réagi jeudi 11 mars à la publication de vos résultats annuels…

"Il y a une déception sur le 4e trimestre, qui représentent historiquement près d’un tiers du CA annuel car de nombreux contrats se signent en fin d’année. Fin octobre, après nous être gardés de donner des perspectives 2020 dans un contexte de crise sanitaire, nous nous sommes sentis suffisamment confiants pour annoncer viser 100 M$ de CA annuel. Finalement, il nous en a manqué 5 M$ pour différentes raisons, en particulier le décalage d’une signature avec un client argentin qui nous a coûté près de 3 M$, ou encore le manque de royalties sur les ventes de décodeurs suite à une pénurie de puces. Sachant que nous dégageons 82% de marge brute, cela aurait pu davantage affecter notre Ebitda de 24 M$ qui n’a été impacté qu’à hauteur de 2M$ grâce à notre bonne maitrise des charges d’exploitation. Avec 106 M$ de valeur totale des contrats signés en 2020, contre 102 M$ en 2019, je demeure satisfait de nos performances commerciales dans un contexte macro complexe, et confiant pour l’année à venir. Pour 2021 nous visons une croissance du CA « mid-single digit », induisant une croissance à deux chiffres des revenus récurrents. En raison d'une reprise des recrutements pour soutenir la croissance de l'abonnement et du SaaS, ainsi qu'un effet change €/$ défavorable, nous visons un EBITDA stable par rapport à 2019 en absolu. Vous savez, je suis affecté par la baisse du cours, étant actionnaire à hauteur de 2% de cette société dans laquelle j’ai investi personnellement 1.2M€. "

Source : présentation société du 10 mars 2021

Source : présentation société du 10 mars 2021

Quels sont vos objectifs à MT pour les revenus SaaS, et, partant, le type de marge opérationnelle à laquelle votre modèle économique peut prétendre ?

"Notre chiffre d’affaires abonnement a atteint 5M$ fin 2020, et nous visons de l’augmenter à deux chiffres tous les ans d’ici 2024 pour atteindre la moitié du CA. Alors, 75% du CA serait récurrent, contre un peu plus de 50% aujourd’hui, en comptant également la maintenance et les royalties. Je ne veux pas me précipiter dans la transition vers le SaaS notamment parce que pour certains produits ou clients, le SaaS n’est pas approprié. Avec le SaaS la marge brute est impactée par le coût des services hébergés, mais nous pensons pouvoir maintenir globalement notre marge brute sur la durée grâce aux économies d’échelle que représente le SaaS pour un éditeur et à l’optimisation des coûts de support des logiciels traditionnels installés chez les clients."

 Vous avez évoqué regarder des dossiers à acquérir. Quel type de dossier et d’enveloppe pouvez-vous mobiliser sachant que les prix de vente sont élevés dans votre secteur ?

"Nous aimerions augmenter notre volume d’affaire avec nos près de 1000 clients historiques en ajoutant des verticales, sachant que l’importance de notre force commerciale, constituée de 70 personnes, constituerait un atout majeur pour des sociétés de 10 à 30 M$ de CA qui s’appuient aujourd’hui sur 5 à 10 commerciaux pour adresser un marché qui est mondial aujourd’hui. Mais effectivement, les multiples sont élevés et il ne s’agit pas de surpayer, quand bien même nous avons une capacité d’acquisition d’une centaine de M$ en mobilisant de la dette et certains actifs. Ensuite, il s’agira de songer à réaliser des acquisitions plus transformantes, en étant très vigilant sur la compatibilité des cultures des sociétés à rapprocher…"