Hong Kong (awp/afp) - La crise d'Evergrande fait craindre d'éventuelles répercussions mondiales en cas de faillite de ce géant chinois de l'immobilier.

Cette semaine, certains ont commencé à agiter le spectre d'un "Lehman chinois" en référence à la chute en 2008 de la banque américaine qui avait marqué le début du séisme financier international.

Le plus gros promoteur immobilier du pays, en termes de chiffre d'affaires, dit être présent dans plus de 280 villes, employer 200.000 personnes et générer indirectement 3,8 millions d'emplois.

Depuis une dizaine d'années, Evergrande s'est diversifié et a multiplié les acquisitions. Le groupe possède un club de football, le Guangzhou FC (ex-Guangzhou Evergrande), entraîné par le champion du monde italien Fabio Cannavaro.

Il est aussi présent sur le florissant marché de l'alimentaire et de l'eau minérale, avec sa marque Evergrande Spring. Il rêvait par ailleurs d'ouvrir des parcs de loisirs "plus grands" que son rival Disney tout en investissant dans le tourisme, internet et le numérique, les assurances, la santé.

D'où viennent ses problèmes ?

Ces immenses dépenses ont été financées par des emprunts réalisés par Xu Jiayinn, le fondateur d'Evergrande devenu cinquième fortune du pays. L'an dernier, Pékin a pris des mesures sévères à l'encontre des promoteurs immobiliers afin de les contraindre à réduire leur endettement.

Il leur est désormais interdit de prévendre des biens immobiliers avant que la construction ne soit achevée, un système qui représentait une partie importante du modèle économique d'Evergrande.

Le groupe n'est désormais plus en mesure de rembourser les emprunts contractés et jeudi, il doit rembourser deux obligations. De nombreux analystes s'attendent à un défaut de paiement, bien qu'il dispose d'un délai de grâce de 30 jours.

Et ensuite ?

Tous les regards sont braqués sur le gouvernement.

L'immobilier est un moteur essentiel de l'économie chinoise. Il représente environ un quart du PIB et a joué un rôle déterminant dans la reprise après la pandémie. Toute faillite d'un tel géant aurait d'immenses répercussions.

Evergrande étant une entreprise privée, Pékin pourrait ne pas se sentir obligé de lui venir en aide. Ce serait également une manière de faire comprendre que toute entreprise, aussi grande soit-elle, ne peut pas compter sur l'État.

La plupart des experts s'accordent cependant à dire que l'État ne veut pas que les Chinois ayant acheté des biens immobiliers soient lésés.

D'autant que les autorités ont "la capacité budgétaire et monétaire pour amortir le choc", a affirmé mardi la cheffe économiste de l'OCDE, Laurence Boone.

Larry Ong, de SinoInsider, estime que le "meilleur scénario" est que les autorités "trouvent un moyen d'empêcher Evergrande de se déclarer en faillite, de donner aux créanciers l'espoir qu'ils obtiendront au moins quelque chose et d'éviter que cela n'entraîne des troubles sociaux".

Autre scénario possible : une restructuration qui permettrait aux autorités de prendre le contrôle de certaines entités de la société, tandis que la branche chargée des investissements cesserait ses activités.

Mais la tâche s'annonce immense.

"Je pense que ce sera plutôt un sauvetage discret, car ils ne veulent pas non plus dire explicitement : +Je suis là pour injecter des milliards dans les comptes pour vous sauver+", a affirmé Kelvin Wong de CMC Markets.

Selon lui, ils veulent éviter que les entreprises interprètent cela comme un message disant : "allez-y, continuez votre activité habituelle de promotion de l'immobilier, à la fin de la journée, nous vous sauverons quand même".

Le groupe a engagé des experts en restructuration, notamment Houlihan Lokey qui avait conseillé Lehman Brothers.

Est-ce le "Lehman" chinois ?

Il semblerait que non. Lehman Brothers était l'un des établissements les plus prestigieux de Wall Street, plombé par les crédits immobiliers à risque ("subprime"). Sa faillite a précipité en 2008 la planète dans la pire crise financière depuis 1929, suivie d'une crise économique.

Pour les analystes, la situation et les conditions sont différentes pour Evergrande.

"Je ne pense pas que cela atteindra un tel niveau", estime M. Wong de CMC, qui préfère parler de "répercussions négatives sur le reste de la planète".

Pour l'OCDE, les perturbations dans la sphère réelle chinoise (consommation, croissance, etc. NDLR) et ses implications pour la croissance mondiale sont davantage à surveiller que le scénario d'une tempête boursière mondiale.

"Nous pensons que Pékin ne sera contraint d'intervenir qu'en cas de contagion de grande ampleur entraînant la faillite de plusieurs grands promoteurs et entraînant des risques pour l'économie", estimait d'ailleurs l'agence de notation S&P dans un rapport rendu cette semaine.

afp/rp