Fils d’agriculteur, passionné d’agronomie, Patrice Etienne entreprend dans la filière agricole depuis 30 ans. L’étape la plus importante est probablement la création, seul, en 1996, de Vital Concept, dédié à la vente à distance aux agriculteurs. Le premier site marchand est lancé en 2008. Entre temps, Patrice Etienne innove dans l’alimentation animale après avoir repris un fournisseur de compléments alimentaires en difficulté qu’il fait passer de moins de 1 M€ à 14 M€ en 2020, dont 50% réalisé à l’export. Forte des 19M€ qu’elle vient de lever sur le marché, l’ETI bretonne vise un doublement de ses ventes d’ici 2025, à 200 M€. Alors que le cours oscille autour d’un cours d’introduction à 35€, l’entreprise familiale (elle embarque son fils Victor et sa fille Anne) a annoncé des résultats 2020 supérieurs à son objectif, et vient de signer une première acquisition aux Pays-Bas. Entretien.

Patrice Etienne, qu’est-ce que change le fait d’être coté pour Winfarm ?

" Au-delà des capitaux levés, ce projet nous a permis d’écrire un projet structuré, partagé par l’ensemble des équipes. Ensuite, cela nous a permis une plus grande ouverture sur nos marchés et notre environnement sociaux économique. "

Comment voyez-vous évoluer votre environnement concurrentiel de Vital Concept, votre activité d’agrofourniture ?

 " Plus qu’à l’écoute de la concurrence, j’ai toujours creusé mon sillon en étant au maximum à l’écoute de mes clients. Le modèle historique autour des coopératives de proximité ne tient plus, je le vois bien en Bretagne, notamment du fait de la baisse du nombre d’agriculteurs et de la digitalisation. Nos clients sont très connectés. "

Quels sont vos concurrents directs et quelles sont vos parts de marché ?

" Nous sommes n°1 sur les ventes en ligne dans les principaux domaines que nous couvrons. Mais l’amont de la filière sur lequel nous sommes reste très segmenté et atomisé car par exemple dans les semences et la nutrition, secteurs sur lesquels nous sommes positionnés depuis de nombreuses années, nos parts de marché ne dépassent pas les 2% du marché tous canaux confondus. Les pure-players du web dépassent rarement les 10 M€ de CA, le plus gros acteur français Agriconomie.com revendiquant 40 M€ de CA."

Le dispositif de Winfarm dans l’agrofourniture (source : présentation investisseurs)

Jusqu’où envisagez-vous d’élargir les gammes et l’horizon géographique de Vital Concept ?

 " Nos gammes n’ont cessé de croitre, avec environ 900 références supplémentaires par an. Nous devrions ainsi passer de 15 500 références aujourd’hui à 20 000 dans 5 ans. Notre développement s’appuiera surtout sur l’augmentation du nombre de clients, 41 000 aujourd’hui, en France et à l’international où nous réalisons seulement 3% du CA de Vital Concept, contre 25% en Bretagne. Notre internationalisation passera par des acquisitions, chaque pays ayant ses règles et sa culture. Nous n’étions présents qu’en Belgique jusqu’à l’acquisition annoncée ce 1er juin de la société néerlandaise BTN de Haas BV. Fondé en 1925, BTN de Haas propose aux éleveurs et agriculteurs néerlandais des produits et du matériel pour le bétail et l’élevage, des produits d’agrofourniture comme des clôtures, des outils, des pièces d’entretien et d’usure ainsi que des équipements divers à partir de son magasin-entrepôt central et surtout en vente à distance par internet. L’entreprise a réalisé en 2020 un CA de 10,8 M€ (+27% en 2020) pour un Ebitda de 7,7% légèrement relutif pour le Groupe. Les Pays-Bas constituent un marché incontournable sur lequel nous seront challenger sur un territoire où un acteur pèse déjà de l’ordre de 100M€, sachant que les acteurs locaux sont généralement de taille modeste dans les autres pays que nous regardons, à savoir le Danemark, la Pologne ou l’Allemagne. Une des forces de BTN de Haas est son expérience quasi centenaire. Un des avantages est que nous travaillons déjà dans la langue du pays avec notre activité belge. "

Vous évoquiez également des acquisitions en France lors de l’introduction en Bourse …

" Nous sommes effectivement en train d’étudier des dossiers en France, notamment pour notre pôle Paysage lancé en 2013 et qui augmente fortement depuis 2019 en raison du déploiement de l’offre encore récente sur la base client existante. "

Quel est le potentiel à moyen-long terme d’Alphatec, votre activité d’agro-nutrition ?

" Son développement à base d’innovation et d’un doublement des capacités de production moyennant des investissements modérés s’inscrit pleinement dans notre plan 2025. Nous venons de renforcer les équipes de cette filiale dont le potentiel de croissance à l’international dans les cinq à 10 prochaines années est important car produire des viandes et du lait sans recourir systématiquement aux médicaments vétérinaires est un besoin qui émerge un peu partout. Alphatec mise pour cela sur une alimentation qui prévient les maladies, crée les conditions d’une meilleure immunité et d’une meilleure croissance des animaux d’élevage."

Des ventes et marges brutes Nutrition impactées par l’effet prix matière (source : Winfarm)

La marge d’Ebitda de l’agro-nutrition s’est effritée depuis 3 ans, passant de 18.6% à 13.1% : va-t-elle rebondir cette année ? Quel niveau normatif peut-on en attendre ?

" Le mouvement de hausse des matières premières, renchéri par la peste porcine en Asie, nous a amenés à sacrifier quelques points de marges. Nous avons connu des multiplications par 3 voire 10 des prix des vitamines, oligo-éléments, levures et autres produits fabriqués pour l’essentiel en Asie. Le phénomène s’est stabilisé au 1er semestre 2021 mais il faudra certainement attendre la fin de l’année pour observer une amélioration significative. Quant au retour aux niveaux historiques de marge d’Ebitda autour de 18%, c’est bien ce que nous ambitionnons. "

Enfin, la valorisation de la filière laitière vous intéresse…

 " Notre ferme expérimentale a bien avancé sur son projet de recherche fondamentale en matière de production laitière du futur. Le bien-être animal, à travers leur logement et leur alimentation, ainsi que l’efficacité du travail des éleveurs sont au cœur de nos travaux. Persuadés de la nécessité de faire évoluer la filière laitière, de la production à la distribution en passant par sa transformation, nous ambitionnons à terme un déploiement au niveau national de cette filière de lait haut de gamme via un réseau de franchisés. "

Les ambitions 2025 affichées par Winfarm (source : présentation investisseurs )