Alors que les actions affichent depuis plusieurs mois une embellie historique, Patrick Chotard, fondateur de Lynceus Partners, une société de conseil spécialisée dans les produits structurés, prodiguent quelques conseils pour protéger son capital d'un retournement brutal de tendance.

Que vous inspire l'évolution des marchés ?

Lorsque l'on regarde un an arrière, nous avons vécu mieux qu'une " remontada ". Les marchés actions américains ont bondi de plus de 70% en un an ! Lors des précédentes crises, jamais les actions n'avaient connu un rebond aussi rapide. Le marché est revenu, voire a dépassé, son niveau d'avant Covid.

Cette spectaculaire embellie cache cependant des disparités non négligeables. En premier lieu, les risques n'ont pas totalement disparu. Pour preuve, une partie de l'Europe se reconfine tandis que les États-Unis ont dépassé la barre des 550 000 morts. La pandémie s'accélère en Amérique Latine comme en Inde.

Deuxième facteur d'inquiétude, les taux remontent, surtout aux États-Unis alors que Janet Yellen et Jerome Powell adressent un message ambigu : l'économie américaine retrouvera le plein emploi en 2022 mais le risque inflationniste est contrôlé. Cette ambivalence alimente la hausse des taux qui pèse sur le secteur technologique et les sociétés les plus endettées. Cette situation entraine une sortie des actions vers les obligations et explique la décélération des actions.

Quels sont vos conseils d'investissement ?

Les investisseurs doivent donc rester prudents. Selon moi, le repli récent du pétrole est d'ailleurs l'un des signes illustrant la prudence des opérateurs. Prudence ne signifie par pour autant l'apathie. Les marchés actions ont encore un potentiel de hausse même s'il est désormais modéré et uniquement soutenu par les injections des banques centrales et de Joe Biden. Or, à un moment donné, il faudra bien financer les gigantesques plans de relance américains, sauf que lever des impôts sera compliqué avec les Républicains, même minoritaires au Congrès.

D'un point de vue sectoriel, il peut être opportun de jouer les bancaires avec la remontée des taux. Elles sont sous-évaluées avec une capitalisation boursière trois fois inférieure à leurs actifs. De plus, les banques se sont restructurées ces dernières années. Elles ont mangé leur pain noir.

Investir dans les infrastructures américaines peut faire également sens et pas forcément exclusivement les énergies renouvelables. Il est de notoriété publique que les équipements (routes, distribution d'énergie, d'eau, etc.) sont vétustes.

Comprenez-vous le développement actuel des produits structurés ?

Dans ce contexte malgré tout incertain, les produits structurés suscitent l'intérêt croissant des investisseurs. Ils sont créés sur mesure en fonction de la perception qu'a l’investisseur des perspectives du marché. Ils peuvent offrir un coupon en cas de hausse comme de baisse du sous-jacent. Ils permettent donc de bénéficier de la hausse du marché tout en se protégeant partiellement contre la baisse. Ils sont un outil particulièrement adapté au scénario actuel d'une hausse modérée des marchés accompagnée de risques baissiers de plus en plus sensibles. En France, 85% des produits structurés sont des " autocalls " avec coupon. Seuls les sous-jacents changent en fonction des besoins.

Les investisseurs ne sont pas limités à des indices comme le CAC 40 ou l'Euro Stoxx. Ils peuvent également choisir des secteurs, ou des actions en direct, comme Crédit Agricole. Par exemple, l'an dernier, de nombreux produits structurés ont été montés autour des foncières comme Klepierre ou Unibail-Rodamco, qui avaient énormément souffert.

Au final, après la crise de l'an dernier due au Covid et pendant laquelle la volatilité est montée jusqu'à 80, les marchés n'évoluent plus qu'à la hausse et le VIX, l'indice de la volatilité (aussi surnommé " indice de la peur "), est retombé à 17.

L'investisseur averti aura donc à se poser la question suivante : retour à la normale ou accalmie avant une nouvelle tempête sur les marchés ?

Propos recueillis par Pierre-Jean Lepagnot