SUNDERLAND, Angleterre (Reuters) - Nissan Motor a misé sur la Grande-Bretagne pour se dynamiser dans l'électrique en Europe, annonçant jeudi un investissement de 1,4 milliard de dollars (environ 1,2 milliard d'euros) avec son partenaire chinois pour la construction d'une usine géante de batteries électriques permettant d'équiper 100.000 véhicules par an, dont un nouveau crossover produit localement.

Avec cette usine de neuf gigawatts-heure (GWh), le constructeur automobile japonais cimente son ancrage en Grande-Bretagne, après cinq ans d'incertitudes autour des répercussions du Brexit sur l'accès au marché européen.

"Ce projet est la démonstration de la renaissance de l'industrie automobile britannique", a déclaré Ashwani Gupta, directeur général délégué de Nissan, aux journalistes présents sur le site de Sunderland.

Le projet, financé par Nissan ainsi que son partenaire chinois Envision AESC et les exécutifs locaux du nord de l'Angleterre, se traduira par la création de 6.200 emplois au niveau de l'usine de Sunderland et des chaînes de production britanniques.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson a quant à lui salué "un important vote de confiance à l'égard du Royaume-Uni" de la part de Nissan, qui n'a pas précisé les garanties et incitations concédées par la Grande-Bretagne.

Envision (aussi associé par ailleurs au français Renault dans les batteries) pourrait investir 1,8 milliard de livres supplémentaires dans cette usine d'ici 2030, portant ainsi sa production à 25 GWh et générant 4.500 nouveaux emplois. D'après Nissan, la capacité du site est susceptible d'être portée jusqu'à 35 GWh.

"Nous voulons aussi construire l'écosystème d'approvisionnement dans le pays - mais pour cela il nous faut atteindre une masse critique", a précisé à Reuters Zhang Lei, fondateur et directeur général d'Envision.

ENGAGEMENT AU LONG COURS

Parallèlement, Nissan compte également consacrer jusqu'à 423 millions de livres sterling (environ 493 millions d'euros) pour produire un crossover électrique de nouvelle génération dans l'usine de Sunderland, d'où sortent déjà le modèle électrique Leaf et le crossover Qashqai SUV.

Ce nouvel investissement porte à cinq milliards de livres le capital total investi par Nissan sur ce site du nord de l'Angleterre.

Le constructeur japonais a précisé que ce nouveau crossover, construit à partir de la plate-forme électrique CMF-EV de l'alliance avec Renault et Mitsubishi, serait exporté vers les marchés européens.

"Ce n'est pas un événement ponctuel, ce n'est pas un seul véhicule, c'est un programme et c'est un engagement pour 10 ans", a déclaré à Reuters Guillaume Cartier, président de Nissan pour la région Afrique, Moyen-Orient, Inde, Europe et Océanie.

Les géants de l'automobile, qui luttent pour ne pas être distancés dans le tournant stratégique de l'électrique, tentent de sécuriser leur approvisionnement en batteries en rapprochant la production de leurs sites d'assemblage des futurs véhicules "propres".

Cette préoccupation se double pour le site de Sunderland - dont 70% de la production est exportée vers l'Union européenne - des impératifs liés à l'accord commercial post-Brexit encadrant les échanges entre Londres et les Vingt-Sept.

Pour que les véhicules puissent être commercialisés sur le marché unique européen sans se voir imposer des droits de douane, ils doivent respecter une "règle d'origine" c'est-à-dire que les composants, à hauteur de 40% de la valeur finale, doivent avoir été fabriqués au Royaume-Uni ou dans l'Union européenne.

Cette proportion sera portée à 55% à partir de 2027. Sachant que le coût d'une batterie électrique peut représenter jusqu'à la moitié du prix de vente d'un véhicule, l'importation de batteries, par exemple depuis les marchés asiatiques, fermerait l'accès au marché européen pour la production automobile des sites britanniques.

Renault a également dévoilé mercredi sa stratégie pour accélérer dans les véhicules électriques.

(Reportage Guy Faulconbridge et Paul Sandle, version française Myriam Rivet, édité par Blandine Hénault et Sophie Louet)

par Guy Faulconbridge et Paul Sandle