Paris (awp/afp) - La banque BNP Paribas, financeur historique du secteur industriel, a annoncé mardi vouloir diviser par cinq ses financements au secteur de l'extraction et de la production de pétrole, laissant dubitatives les ONG.

La première banque européenne s'est engagée dans un communiqué à passer de cinq à "moins d'un milliard d'euros" le montant de ses encours de crédits.

C'est une forte accélération pour la banque, qui avait jusqu'à présent communiqué sur une diminution de 25% à horizon 2025, même si le raffinage et le gaz ne sont pas concernés par cette promesse.

Le groupe affirme par ailleurs ne pas avoir financé directement de nouveaux projets pétroliers depuis 2016. Toutefois, son soutien à des entreprises continuant de développer de nouveaux champs est en partie comptabilisé comme de l'exploration et de la production.

La banque, qui se targue d'avoir 55% d'énergies "bas carbone" (énergies renouvelables, nucléaire et biofuel) dans son portefeuille de financement énergétique, contre 45% d'énergies fossiles (pétrole et gaz majoritairement), prévoit une répartition 80-20 en 2030.

BNP Paribas ambitionne ainsi de passer les encours de ses financements d'énergies bas carbone, "essentiellement renouvelables", à 40 milliards d'euros en 2030, contre 24,8 en septembre dernier.

Concernant le gaz, le groupe bancaire souhaite réduire de 30% son encours de crédits, évalué à 5,3 milliards d'euros en septembre 2022, en réservant les financements "prioritairement aux centrales thermiques de nouvelle génération à bas taux d'émission ainsi qu'à la sécurité d'approvisionnement, terminaux gaziers et flotte de transport de gaz", selon le communiqué.

"En 2015, au moment de la signature de l'accord de Paris, les financements à la production d'énergies bas-carbone ne représentaient qu'une part limitée du portefeuille de crédits de BNP Paribas à la production d'énergie", rappelle Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de la banque, citée dans le communiqué.

Avec ces nouveaux objectifs, "le groupe aura ainsi réalisé 80% de sa transition en moins de 15 ans", ajoute-t-il.

Dans le viseur des ONG

Cette annonce a été accueillie avec prudence par les ONG. "BNP reconnaît la nécessité de réduire notre dépendance au pétrole et au gaz", a salué auprès de l'AFP la directrice de l'association Reclaim Finance, Lucie Pinson qui aurait souhaité que la banque "soit beaucoup plus ferme".

Mais elle met cependant en garde. "Tout indique que la banque française va maintenir ses soutiens financiers à quelques gros clients malgré leur stratégie d'expansion dans les énergies fossiles, comme TotalEnergies". "On déplore aussi qu'il n'y ait pas de mesures immédiates sur le gaz", ajoute-t-elle.

L'annonce de BNP Paribas intervient alors que la banque a été mise en demeure fin octobre par trois ONG qui l'accusent de financer de nouveaux projets pétroliers et gaziers, en contradiction avec son "devoir de vigilance".

BNP Paribas a jusqu'à jeudi pour adresser une réponse, à la suite de quoi les associations pourront décider de lancer une assignation.

Si La Banque Postale s'est déjà engagée à sortir des énergies fossiles à l'horizon 2030, l'effort est bien plus important pour BNP Paribas, première banque européenne et financeur historique de l'industrie.

Société Générale, pour sa part, avait indiqué en octobre vouloir réduire son exposition à la production de pétrole et de gaz de 20% d'ici 2025 comparé à 2019, tandis que Crédit Agricole a promis de diminuer son exposition à l'extraction de pétrole de 25% entre 2020 et 2025. Aucune des deux banques n'a pour l'instant communiqué sur sa trajectoire à l'horizon 2030.

Les engagements de la finance, notamment française, en faveur de l'abandon du charbon ont été salués ces dernières années, mais le dialogue avec les ONG s'est tendu à propos de l'arrêt des financements aux entreprises développant de nouveaux projets pétroliers et gaziers.

Pour l'Agence internationale de l'énergie, le développement de tels projets qui se traduiraient par de nouvelles émissions de carbone pendant des décennies est incompatible avec l'accord de Paris, visant un réchauffement climatique de 2 degrés maximum en 2010 comparé à la période préindustrielle.

afp/rp