Berlin (awp/afp) - L'Allemagne court à la pénurie de gaz et devra faire des "choix de société très difficiles" pour les ménages et les entreprises si les livraisons russes diminuent encore, a prévenu vendredi le ministre de l'Economie Robert Habeck.

"Il faudrait fermer certains secteurs industriels (...) Tous les processus d'économie de marché seraient alors suspendus. Pour certains secteurs, ce serait catastrophique. Nous ne parlons pas de deux jours ou de deux semaines, mais d'une longue période. Nous parlons ici de personnes qui seraient au chômage, de régions qui perdraient des complexes industriels entiers", a-t-il détaillé dans une interview au grand hebdomadaire Der Spiegel.

Le risque d'une pénurie de gaz cet hiver se précise depuis que l'énergéticien russe Gazprom a drastiquement baissé ses livraisons via le gazoduc Nord Stream dont l'Allemagne est particulièrement dépendante.

Berlin craint que la Russie ne coupe totalement cette voie d'approvisionnement.

"Nous sommes déjà dans une situation où l'Allemagne n'a jamais été. Rien que si les livraisons de gaz russe restent aussi faibles qu'elles le sont actuellement, nous courons à la pénurie de gaz", a mis en garde le ministre et vice-chancelier, ajoutant: "Ce sera de toute façon juste cet hiver."

L'Allemagne tente de compenser le tarissement par des achats auprès d'autres producteurs et le développement accéléré d'infrastructures pour l'importation de gaz naturel liquéfié.

Le pays va aussi temporairement augmenter le recours au charbon et le gouvernement exhorte les 41 millions de ménages aux économies d'énergie.

Si cela ne suffit pas, "nous devrons faire des choix de société très difficiles", a expliqué le ministre.

En cas de rationnement de gaz, la règlementation européenne donne priorité aux ménages sur les entreprises, mais "cette réglementation a été conçue pour les interruptions de livraisons à court terme, et non à long terme", souligne le ministre.

Dépendant à 35% des importations de gaz russe pour sa consommation, et notamment les besoins de l'industrie, la première économie européenne accuse la Russie de mener une stratégie délibérée de réduction des flux vers l'Europe pour déstabiliser le marché énergétique.

Depuis la semaine dernière, les livraisons via Nord Stream sont en baisse de 60%, Gazprom arguant d'un problème technique.

L'Allemagne appréhende d'autant plus la maintenance régulière dont Nord Stream doit faire l'objet à partir du 11 juillet, stoppant tout flux pendant une dizaine de jours.

Selon les scénarios de l'Agence fédérale des réseaux, la pénurie de gaz interviendrait dès "mi-décembre" en cas d'arrêt total des livraisons russes.

Le Kremlin a affirmé jeudi que les flux augmenteront à nouveau dès que les turbines manquantes pour le gazoduc seront livrées.

afp/rp