L’homme d’affaires n’a jamais eu la réputation d’être un tendre ; ses employés et ses fournisseurs ont coutume d’en témoigner. Dans le même esprit, si Drahi s’est spectaculairement enrichi, on n’en dira pas autant des actionnaires d’Altice qui ont parié sur lui, autant en Europe qu’aux Etats-Unis. 

Altice Europe, on s’en souvient, avait été retiré de la cote pour une bouchée de pain. Altice US, pour sa part, est en passe de devenir une penny stock, étrillé par des taux d'intérêts en hausse et une performance opérationnelle qui se dégrade. En mai 2023, nous traitions d’ailleurs du sujet dans Altice US : Pile tu perds, face je gagne

Les créanciers d’Altice France — maison-mère de SFR, entre autres — pourraient être les prochains à rejoindre le groupe des partenaires d’affaires de Drahi laissés sur le carreau. En témoigne la cotation des obligations cotées du groupe, qui s'échangent presque toutes en territoire « distressed », certaines aux deux-tiers du par, l'émission non-collatéralisée au tiers du par.

Ceci résulte d’un bras de fer initié par Altice France avec ses créanciers : le groupe entend en effet racheter une partie de sa dette, mais avec un discount. Le parti de l’épreuve de force a surpris les investisseurs, qui s’attendaient à ce que le produit des récentes cessions d’actifs d'Altice soit immédiatement réorienté vers le désendettement. Or, un tour de passe-passe a permis au groupe de se soustraire à cette obligation.

Reste à trouver un terrain d’entente avec les créanciers, qui pour ainsi dire ont joué avec le feu et se sont brûlés. La direction d'Altice a prévenu qu'ils auront des sacrifices à consentir. Naturellement, ils se regroupent désormais pour faire front ; l'un d'entre eux n'a pas hésité à qualifier les tactiques de Drahi de "méthodes de voyou".

Patrick Drahi n’a jamais eu bonne presse, mais ses ennuis les plus sérieux — entre autres les Drahi Leaks et la chute de son bras droit Armando Pereira — ont commencé dans la foulée de sa montée surprise au capital de British Telecom. 

De là à parier que certains outre-Manche n’ont pas vu d’un bon oeil le raid de l’homme d’affaires franco-israélien, et décidé de contre-attaquer par tous les moyens, il n’y a qu’un pas qu’une imagination débordante ne manquera sans doute pas de franchir...