Paris (awp/afp) - Zambie, Ghana, Sri Lanka... De nombreux Etats en détresse financière sollicitent l'aide de conseils privés, comme des banques d'affaires et des cabinets d'avocats, pour les aider à renégocier leur dette aux moins mauvaises conditions possibles.

Ces métiers de l'ombre prennent de l'ampleur dans le contexte actuel de remontée des taux d'intérêt, synonyme d'une dette plus lourde pour des pays économiquement très fragiles.

Selon une étude du Programme des Nations unies pour le développement(PNUD) publiée en février, 52 pays sont surendettés, voire risquent le défaut de paiement.

C'est qui est arrivé en 2020 à la Zambie. Epaulé par Lazard, le pays a obtenu depuis un protocole d'accord de ses créanciers pour une restructuration de sa dette extérieure à hauteur de 6,3 milliards de dollars.

La signature du protocole d'accord doit intervenir la semaine prochaine, a indiqué jeudi un porte-parole du Fonds monétaire international (FMI), qui tient sa réunion annuelle jusqu'à dimanche à Marrakech (Maroc).

La banque d'affaires franco-américaine accompagne aussi le Sri Lanka, qui a fait défaut sur sa dette extérieure en avril 2022. Le vice-ministre des Finances du pays Ranjith Siyambalapitiya s'est cependant félicité mercredi d'un accord "provisoire" avec son principal créancier chinois.

Habitude de l'exceptionnel

Les conseils connaissent bien et comprennent les attentes des prêteurs et de leurs propres conseils, institutions, banques de développement, agences de notation ou investisseurs, pour lesquels ils ont parfois travaillé auparavant, explique à l'AFP Anne-Laure Kiechel, fondatrice du cabinet Global Sovereign Adisory.

Une expertise précieuse pour "adopter la meilleure stratégie", alors que leurs clients, habitués à gérer les affaires courantes, se retrouvent parfois désemparés face au mur de la dette.

Ces cabinets, qui passent parfois des mois sur place, permettent aussi aux services centraux d'un Etat, à l'effectif souvent restreint, de continuer à gérer le quotidien.

Leurs prestations ne sont pas gratuites. Le règlement se fait souvent de deux manières: une partie fixe et une conditionnée au succès d'une opération, comme une levée de fonds par exemple.

Dans ce cas, l'argent frais peut servir à rémunérer les conseils. Dans certains cas les créanciers eux-mêmes mettent la main à la poche.

Rôles complémentaires

Les banques Lazard, Rothschild, JPMorgan, Goldman Sachs, Deutsche Bank ou encore HSBC, qui conseillent aussi les entreprises, reviennent souvent sur ce marché très particulier.

"Mon objectif est de permettre aux pays de se refinancer à des taux qui ne soient pas exorbitants", résume auprès de l'AFP Pierre Cailleteau, responsable de l'activité de conseil aux Etats chez Lazard.

Comment? En défendant les atouts économiques du pays qu'il accompagne auprès des créanciers existants et potentiels, en négociant avec eux et en structurant les différentes catégories de dettes.

Dès l'audit de la dette existante, et au long des négociations, des avocats d'affaires de cabinets internationaux, tels que Clifford Chance, Allen & Overy ou Cleary Gottlieb, assurent la conformité légale et entrent dans le détail des termes et conditions.

Certains pays font également appel à des conseils stratégiques, souvent des anciens banquiers d'affaires ayant monté leur boutique. Lorsque des privatisations sont envisagées, des cabinets spécialisés peuvent également être dépêchés pour identifier des actifs et leur fixer un prix.

Négociations tendues

Les conseils peuvent endosser un rôle de tampon selon les tactiques de négociations adoptées par les emprunteurs auprès de leurs créanciers existants ou potentiels.

Dans une négociation, le cabinet "peut être celui qui fait passer des messages, qui prend des coups, qui s'avance, qui teste", raconte Mme Kiechel.

Les échanges avec les créanciers chinois sont parfois complexes, en raison de leurs liens étroits avec l'Etat et de leur manque d'expérience de ces situations de crise, relatent plusieurs négociateurs.

La Chine représente par exemple 52% de la dette bilatérale du Sri Lanka, devant l'Inde et le Japon.

L'instabilité géopolitique depuis la guerre en Ukraine et les difficultés économiques rendent "plus difficile l'obtention d'un consensus", abonde Jonathan Lewis, avocat chez Clifford Chance.

La dette extérieure des pays dits à revenu faible et intermédiaires s'élevait fin 2021 à 9000 milliards de dollars, plus du double de son montant d'il y a dix ans, selon la Banque mondiale.

afp/jh