Nous partons donc à la découverte des Laboratorios Farmaceuticos Rovi, qui officient, comme leur nom le suggère, dans le domaine pharmaceutique. La notoriété de l'entreprise a longtemps été cantonnée aux frontières espagnoles et à quelques gérants spécialisés dans les valeurs moyennes un peu plus téméraires que les autres. Il faut dire que le cœur de l'industrie de la Santé européenne bat plus fort du côté de la Suisse, de la France, de l'Allemagne ou du Royaume-Uni. Rovi, malgré ses 76 printemps, a surtout fait parler d'elle durant la pandémie, en décrochant le contrat de sous-traitance d'une partie des vaccins covid de Moderna. Un coup de projecteur à double tranchant puisque le laboratoire a connu quelques soucis de qualité qui lui ont, momentanément, fait mauvaise presse.

Pour bien cerner le dossier, il convient de distinguer le Rovi pré-Moderna du Rovi post-Moderna. Historiquement, le groupe a bâti des positions solides en Espagne, un marché qui représentait encore 70% de ses revenus avant l'irruption du coronavirus. Sa force résidait dans une franchise mondialement reconnue dans les anticoagulants à base d'héparines. Ses deux traitements phares sont le Bemiparin Hibor, un concurrent direct du Clexan et du Lovenox de Sanofi commercialisé dans une soixantaine de pays et l'Enoxaparine, le générique desdits Clexan et Lovenox, dont les brevets ont expiré en 2011. Rovi complétait ses revenus avec de la fabrication à façon. La signature du contrat Moderna a fait concomitamment gonfler cette activité de façonnier et l'exposition internationale de l'entreprise. Ainsi le Rovi 2022 génère 60% de ses revenus hors d'Espagne et plus de 40% dans la production.

Néo-façonnier

Ce rôle de façonnier est un important relais de croissance pour cette entreprise dont le chiffre d'affaires devrait doubler entre 2019 (381 M€) et 2022 (788 M€ anticipés en moyenne par les analystes). Dans le même temps, la marge d'exploitation passera de 11% à 29%. Autant dire que les "années-covid" ont été bien mises à profit par le groupe, pour faire un jeu de mots grossier. Plus sérieusement, elles ont aussi apporté de la diversification aussi bien géographique qu'opérationnelle, nous l'avons vu plus haut. Rovi peut aussi compter sur un pipeline de développement de nouveaux produits assez prometteur, dont certains doivent franchir des jalons majeurs cette année. La dépendance à Moderna (qui génère entre 25 et 30% des revenus désormais) est à la fois une bénédiction et une faiblesse, car les années folles de production vaccinales sont derrière nous, en tout cas pour le covid-19. Reste que Rovi a démontré son savoir-faire industriel, qui plus dans l'urgence, ce qui ajoute une belle ligne sur la carte de visite du laboratoire espagnol.

Période Fiscale : Décembre 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 2026
Chiffre d'affaires 1 381,3 420 648,7 817,7 829,5 824,4 906,5 1 039
EBITDA 1 60,86 94,33 202,9 278,7 244,5 242,9 289,2 364,7
Résultat d'exploitation (EBIT) 1 42,65 74,74 181,5 255,8 220,1 217,1 261,6 335,4
Marge d'exploitation 11,18 % 17,8 % 27,98 % 31,29 % 26,53 % 26,34 % 28,86 % 32,27 %
Résultat Avt. Impôt (EBT) 1 41,88 72,58 182,6 258 220,4 213,2 257,3 319,9
Résultat net 1 39,27 61,06 153,1 199,7 170,3 170,7 206,5 266,7
Marge nette 10,3 % 14,54 % 23,6 % 24,42 % 20,53 % 20,71 % 22,78 % 25,66 %
BNA 2 0,7100 1,100 2,760 3,730 3,200 3,311 3,903 5,039
Free Cash Flow 1 -34,94 7,539 108,5 186,2 59,9 155,7 163 215,1
Marge FCF -9,16 % 1,8 % 16,73 % 22,77 % 7,22 % 18,89 % 17,98 % 20,7 %
FCF Conversion (EBITDA) - 7,99 % 53,49 % 66,81 % 24,5 % 64,11 % 56,34 % 58,99 %
FCF Conversion (Résultat net) - 12,35 % 70,88 % 93,26 % 35,17 % 91,2 % 78,92 % 80,67 %
Dividende / Action 2 0,1751 0,3812 0,9556 1,294 1,104 1,121 1,289 1,639
Date de publication 26/02/20 24/02/21 23/02/22 21/02/23 27/02/24 - - -
1EUR en Millions2EUR
Données Estimées

Côté bilan, la société est en situation de trésorerie nette positive depuis 2021. Historiquement, elle a d'ailleurs toujours été faiblement endettée. Point positif, le capital est majoritairement détenu par la famille López-Belmonte Encina, dont les représentants dirigent toujours l'entreprise. Ces solides fondamentaux s'accompagnent d'une valorisation plutôt douce : 15 fois les résultats attendus cette année et 13,6 fois ceux de 2024. Contre une moyenne sur dix ans de l'ordre de 26 fois. Le secteur pharmaceutique européen est plutôt sur des ratios de 21 fois l'année en cours. Cela s'explique par l'étiquette "covid" qui est désormais accolée au titre. Au plus fort de la pandémie, tout le monde s'est rué sur ces actions. Puis les ont délaissées par la suite.

Rovi est donc un outsider de la pharmacie européenne plutôt bien géré, qui a franchi un palier important avec la pandémie.