Berlin (awp/afp) - Bayer perd sa tête: le géant allemand de la chimie a annoncé mercredi le départ anticipé de son PDG Werner Baumann, qui sera remplacé en juin par un Américain venu du groupe Roche, dans un contexte de divergences stratégiques avec des fonds activistes.

"Le conseil de surveillance de Bayer a nommé Bill Anderson président du conseil d'administration de Bayer avec effet au 1er juin 2023 (...) le vote a été unanime", a indiqué l'entreprise dans un communiqué.

M. Anderson, manager de 56 ans, vient du groupe suisse Roche où il a été responsable de la division pharmaceutique entre 2019 et décembre 2022.

L'Allemand Werner Baumann, 60 ans, dont 35 au sein du groupe Bayer, quittera donc son poste près d'un an avant le terme de son mandat, prévu en avril 2024.

Depuis plusieurs semaines, des fonds activistes menés par les fonds américains Bluebell et Inclusive Capital Partners, entrés récemment dans le capital, le poussaient vers la sortie.

Ils font notamment pression pour obtenir une scission de Bayer en deux parties au moins, l'activité agro-industrielle et la santé, permettant une plus-value géante pour le groupe, selon la presse.

Le cauchemar Monsanto

M. Baumann fait les frais de sa stratégie de concentration et d'acquisition, critiquée depuis des années par les actionnaires.

Le dirigeant, arrivé à la tête du groupe en 2016, a en effet été le principal artisan du rachat en 2018 du groupe américain Monsanto, le fabricant du Roundup.

Cette opération géante, à plus de 63 milliards d'euros, avait été réalisée pour garantir au groupe des synergies dans les domaines agricoles et chimiques.

Mais elle a tourné depuis au cauchemar. Bayer a été confronté à une pluie de procédures judiciaires aux États-Unis de la part d'anciens utilisateurs du Roundup, herbicide à base de glyphosate commercialisé par Monsanto.

Le glyphosate est considéré depuis 2015 comme "cancérogène probable" par le Circ, une branche de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Une caractérisation que dément toujours le groupe.

Bayer a certes signé en juin 2020 un large accord à plus de 10 milliards de dollars pour solder ces procédures. Mais un juge américain a rejeté la partie du plan destinée à limiter le coût des futures réclamations en recours collectif visant le produit.

Depuis, le groupe fait face à des procès individuels. Il a mis de côté 6,5 milliards de dollars pour solder ces procédures, qu'il gagne, la plupart du temps.

Reste que ces mésaventures ont fait plonger le titre de Bayer à la Bourse de Francfort, lui faisant perdre près de la moitié de sa valeur depuis 2018, provoquant la colère des actionnaires.

Dans leur croisade, Bluebell et Inclusive Capital Partners sont donc logiquement parvenus à rallier de nombreux petits porteurs.

Nouveau chapitre

M. Baumann avait déjà subi en 2019 un rare désaveu de l'assemblée générale des actionnaires du groupe, qui avait rejeté à 55,5% sa stratégie. Il avait pu se maintenir, mais affaibli, à la tête du groupe.

En Allemagne, des investisseurs réclament également à Bayer, dans une action de groupe, 2,2 milliards d'euros de dommages et intérêts.

"Il est tout à fait clair que le nouveau chef de Bayer doit venir de l'extérieur, sinon Bayer ne sera pas tranquille", avait récemment déclaré Marc Tüngler, responsable de DSW, la plus grande association d'actionnaires en Allemagne.

Le fonds Bluebell est particulièrement connu pour sa capacité à imposer ses vues dans la gouvernance d'une entreprise, malgré une faible présence au capital, lui permettant des entrées discrètes.

Il s'est notamment fait connaître en 2021 à l'occasion de son bras de fer avec le géant français de l'alimentation Danone, qui avait abouti à l'éviction de l'emblématique patron du groupe, Emmanuel Faber.

Des débats houleux sur l'avenir de l'immense conglomérat, qui emploie plus de 100.000 salariés dans le monde, attendent le futur patron.

Accaparé par les affaires de Monsanto, Bayer ne met pas assez de moyens dans sa branche pharmacie, critiquent des actionnaires qui souhaiteraient un recentrage sur la branche de médicaments spécialisés.

M. Anderson "est le candidat idéal pour mener Bayer vers un nouveau chapitre", a assuré Norbert Winkeljohann, président du conseil de surveillance du groupe allemand.

Il entrera, dès le "1er avril" au conseil de surveillance du groupe, pour une période de "transition en douceur".

afp/rp