Comme son exemple canadien, discuté dans cette même colonne il y a quelques semaines, Vitec est un acquéreur en série concentré sur le segment des VMS — "vertical market software", c'est-à-dire des logiciels spécialisés pour un métier ou un secteur en particulier, généralement conçus sur mesure par de petites équipes de développeurs.

L'imitateur s'en sort pour l'instant moins bien que l'original. Sur dix ans, entre 2012 et 2022, le chiffre d'affaires triple et le profit cash quadruple, certes, mais ces gains doivent être rapportés aux montants investis pour évaluer la rentabilité — donc la création de valeur.

Que voit-on à ce niveau ? Qu'entre 2012 et 2022, Vitec a investi  $375 millions dans ses opérations de croissance externe. Ceux-ci ont permis d'ajouter $125 millions de revenus — un multiple d'acquisition de pile poil x3 les ventes donc — et environ $20 millions de free cash-flow par an, soit un ROI très en-decà de celui de Constellation, qui oscille lui autour de 25%.

Autres divergences avec le modèle de Constellation : le profil de marges est inférieur et Vitec n'hésite à procéder à des augmentations de capital quand le groupe l'estime utile ; le nombre de titres en circulation augmente ainsi de 27 à 36 millions sur la dernière décennie. 

Bref, le suédois n'est pas le canadien, même s'il en a les contours et les aspirations. Il n'en reste pas moins un groupe très performant. Le premier trimestre 2023 indique d'ailleurs une poursuite de l'excellente tendance de croissance des revenus et d'expansion de marges.

Il y a en effet eu un record d'acquisitions en 2022, et ceci devrait amener le chiffre d'affaires aux alentours de $260 millions cette année. Avec une marge nette de 15% — on se base ici sur le profit cash plutôt que sur le résultat comptable, grevé par les amortissements hérités des acquisitions — on peut s'attendre à un free cash-flow de $39 millions en 2023.

La capitalisation boursière actuelle représente un multiple de x46 ce profit. De manière très claire, ceci laisse entendre que le marché parie sur la capacité de Vitec à tripler de nouveau son chiffre d'affaires sur la prochaine décennie.