* L'envoyé spécial de l'Onu veut croire à une poursuite du processus

* "Il ne faut jamais renoncer", dit Staffan de Mistura

* Damas accuse Paris, Londres et Ryad de soutenir le terrorisme

* Les USA s'inquiètent d'un accroissement des livraisons militaires russes

par John Irish et Stephanie Nebehay

GENEVE, 21 avril (Reuters) - Tous les membres de la délégation du Haut Comité des négociations (HCN) mis sur pied par l'opposition pour les discussions de paix sur la Syrie vont quitter Genève mais l'envoyé spécial de l'Onu, Staffan de Mistura, a affirmé que les pourparlers se poursuivraient la semaine prochaine.

"Il ne faut jamais renoncer", a-t-il dit jeudi soir sur l'antenne de la télévision suisse RTS.

"On ne peut pas laisser tomber cela, il faut renouveler le cessez-le-feu, il faut accélérer l'aide humanitaire et on va demander aux pays parrains (ndlr, du processus) de se réunir", a poursuivi le diplomate italo-suédois.

De Mistura s'exprimait alors que le négociateur en chef du HCN, Asaad Zoubi, a confirmé que tous les membres de la délégation mise en place par l'opposition avec le soutien de l'Arabie saoudite et des Occidentaux allaient quitter Genève.

Avant son départ, un autre négociateur de l'opposition, Mohammad Allouch, représentant les rebelles du Jaïsh al Islam, a exposé devant la presse les conditions d'un éventuel retour.

"A (Bachar) Djaafari (ndlr, le chef de la délégation de Damas), nous disons: s'il souhaite un véritable gouvernement d'unité nationale, il doit d'abord libérer les 10.000 femmes qui sont dans les prisons, et les dizaines de milliers d'autres. Et cesser les massacres commis chaque jour (...) Alors peut-être les négociations reprendront", a-t-il dit.

Le HCN avait prévenu lundi qu'il ne pourrait continuer compte tenu de la détérioration de la situation militaire, de l'absence de progrès sur les questions humanitaires et de l'impasse totale dans les discussions relatives à la libération de prisonniers.

Selon un diplomate, c'est Riad Hidjab, le principal coordinateur du HCN, qui a donné pour instruction à toute la délégation de partir.

"Cela m'attriste et je pense qu'il s'agit d'une erreur", a déclaré le diplomate. "Il sera très difficile pour eux de revenir en raison de la situation sur le terrain d'autant que le régime sait qu'un bombardement les éloignera (de la table des négociations)", a-t-il ajouté.

Un haut diplomate occidental disait mercredi craindre que les négociations conduites sous les auspices des Nations unies ne reprennent pas avant au moins un an si elles étaient abandonnées ces jours-ci.

Mais Staffan de Mistura, même s'il prévient qu'"il n'y a pas de miracle à attendre", veut croire que les discussions reprendront. "Il y a beaucoup de gesticulations politiques, et c'est normal", a-t-il dit au sujet du départ des négociations de l'opposition. Mais, a-t-il insisté, "il faut terminer cette tragédie".

"IL SERAIT PRÉJUDICIABLE POUR LA RUSSIE D'AMENER EN SYRIE

DAVANTAGE D'ÉQUIPEMENTS MILITAIRES OU DAVANTAGE D'HOMMES"

La reprise d'intenses combats a mis à mal l'accord de "cessation des hostilité" entré en vigueur le 27 février à l'initiative de la Russie et des Etats-Unis dans le but affiché de permettre le bon déroulement des pourparlers de paix entre l'opposition et le régime de Bachar al Assad.

"Il est compréhensible que l'opposition se sente dans l'incapacité de rester davantage compte tenu des attaques prolongées du régime syrien contre des civils syriens et de la poursuite des stratégies de siège et de famine", a dit un deuxième diplomate de haut rang, s'exprimant lui aussi sous couvert de l'anonymat.

A Moscou, le président russe Vladimir Poutine s'est dit préoccupé par la "grave dégradation" des pourparlers de Genève, rapporte jeudi l'agence de presse Tass citant un porte-parole du Kremlin.

Les Etats-Unis ont pour leur part exprimé leurs préoccupations devant les informations selon lesquelles la Russie accélère les livraisons de matériel militaire en Syrie pour soutenir le régime de Bachar al Assad.

"Les informations faisant état de livraisons de matériel russe en Syrie nous préoccupent", a déclaré Ben Rhodes, conseiller adjoint de la Maison blanche à la sécurité nationale. "Nous pensons qu'il serait préjudiciable pour la Russie d'amener en Syrie davantage d'équipements militaires ou davantage d'hommes. Nous pensons que nos efforts portent davantage leurs fruits lorsqu'ils portent sur une résolution diplomatique du conflit", a-t-il ajouté en marge de la visite de Barack Obama en Arabie saoudite.

Alors que le processus de négociations ouvert à Genève sous médiation de l'Onu semble plus que compromis, le gouvernement syrien a accusé la France, la Grande-Bretagne, ainsi que les puissances régionales saoudienne, turque et qatarie de soutenir le terrorisme et d'alimenter les combats dans le pays.

"Ces régimes s'efforcent d'intensifier les actions terroristes, de soutenir les terroristes et de détruire l'accord de cessation des hostilités trouvé par la Russie et les Etats-Unis", a déclaré le Premier ministre syrien, Wael al Halaki, selon l'agence de presse officielle Sana. (avec Bushra Shakhshir et les correspondants de Reuters; Nicolas Delame et Henri-Pierre André pour le service français)