Londres (awp/afp) - A l'heure où les cours du platine s'envolent, Anglo American veut se délester de cette activité, tout comme le ferait son rival australien BHP qui tente de l'avaler. Un paradoxe apparent qui s'explique par l'avenir obstrué pour ce métal.

Utilisé dans la production de convertisseurs catalytiques contribuant à réduire les émissions nocives des moteurs à combustion, le platine a souffert ces trois dernières années des prévisions d'un déclin à venir à mesure que les véhicules électriques remplaceraient les voitures traditionnelles.

Un horizon assombri qui a pesé sur les cours du métal, lequel a perdu environ un tiers de sa valeur à partir de début 2021 jusqu'à fin avril, avant un net rebond ces dernières semaines.

"Un certain nombre de sociétés minières se plaignent de la déprime" du marché du platine, remarque Dan Coatsworth, analyste chez AJ Bell, interrogé par l'AFP.

Dans son offre de rachat sur le britannique Anglo American, BHP exigeait qu'Anglo se sépare entre autres de sa filiale de production de platine, Anglo American Platinum, qui se revendique comme l'un des principaux producteur mondial de métaux du groupe platine (qui comprend notamment le rhodium et le palladium), et opère en Afrique du Sud et au Zimbabwe.

Bien qu'ayant rejeté cette proposition de rachat - BHP a encore jusqu'à mercredi pour présenter une nouvelle offre ou se désister -, Anglo American a annoncé dans la foulée un projet impliquant une scission similaire de son activité de platine sud-africaine.

Cette décision permet de simplifier la structure du groupe, avance de son côté Duncan Wanblad, directeur général d'Anglo American, qui assure cependant "avoir pleinement confiance en (l')avenir" du secteur du platine.

Anglo American avait déjà annoncé en début d'année son intention de supprimer des milliers d'emplois dans son activité de platine sud-africaine, citant la faiblesse des prix de ce métal.

"Afin de convaincre les investisseurs qu'elle peut avoir sa propre stratégie de croissance qui apporte de la valeur à ses actionnaires", Anglo American tente désormais de "reproduire ce que BHP aurait fait: abandonner le platine et les diamants au profit des actifs de cuivre les plus lucratifs", estime Kathleen Brooks, analyste chez XTB, répondant à l'AFP.

Le prix de l'once de cuivre a en effet bondi d'environ 27% depuis le début de l'année et bat record sur record.

A l'inverse du platine, le métal rouge est de plus en plus prisé pour ses propriété de conduction et sa malléabilité ce qui le rend essentiel pour construire "les nouvelles infrastructures électriques nécessaires" au développement de l'intelligence artificielle et "pour l'avenir des énergies renouvelables", résume Mme Brooks.

Offre peau de chagrin

Cependant, malgré l'affaiblissement de la demande, les prix du platine ont également connu une embellie soudaine en raison de "la perspective d'un déficit d'offre croissant", expose Ole Hansen, analyste chez Saxobank, dans une note transmise à l'AFP.

Déjà sous-approvisionné, le marché du platine devrait manquer de 476.000 onces cette année, selon des estimations du World Platinum Investment Council publiées la semaine dernière.

Si ces projections se matérialisent, cela signerait la deuxième année consécutive de déficit.

Cette pénurie s'explique principalement par la diminution de la production de l'Afrique du Sud et de la Russie, les deux principaux producteurs de platine, qui devrait perdurer.

La fonte des cours ces dernières années avait poussé les sociétés minières en Afrique du Sud à réduire leurs coûts et leur production, tandis que côté russe, la capacité de transformation est limitée par des opérations de maintenance d'une fonderie, et les sanctions occidentales entravent les échanges commerciaux.

L'offre totale pourrait refluer d'environ 1% sur l'année en cours comparé à 2023, à 7,11 millions d'onces, selon le rapport, qui table sur une contraction de la demande 5% dans le même temps, à 7,58 millions d'onces.

Carsten Fritsch, analyste chez Commerzbank, relève que la légère "augmentation attendue de la demande du secteur automobile" et dans celui des "bijoux" ne compensera pas la lourde chute anticipée dans d'autres domaines industriels, comme la production de verre ou la chimie.

afp/rp