* Les députés avaient massivement voté sa destitution le 9 décembre dernier

* Park Geun-hye est accusée de trafic d'influence

* Son départ intervient dans un contexte de vives tensions avec le voisin du Nord (Actualisé avec réaction US)

par Joyce Lee et Cynthia Kim

SEOUL, 10 mars (Reuters) - La Cour constitutionnelle sud-coréenne a confirmé vendredi à l'unanimité de ses huit juges la destitution de la présidente Park Geun-hye, votée en décembre par les députés après sa mise en cause dans une affaire de trafic d'influence.

Première dirigeante sud-coréenne démocratiquement élue à être ainsi écartée du pouvoir, Park, qui nie toute malversation, n'était pas présente à l'audience et sa porte-parole a précisé qu'elle ne ferait aucun commentaire.

Plusieurs centaines de ses partisans en revanche s'étaient massés devant le siège de la Cour constitutionnelle. Deux d'entre eux ont été tués lors d'affrontement avec la police, dont un homme de 72 ans qui a succombé à une blessure au crâne après avoir été hospitalisé. Les organisateurs du rassemblement pro-Park ont également fait état de six blessés.

Le Premier ministre, Hwang Kyo-ahn, continuera à assurer l'intérim jusqu'à la tenue d'une élection présidentielle anticipée dans un délai de 60 jours, comme le prévoit la Constitution.

"Je respecte la décision de la Cour constitutionnelle (...). Le gouvernement va mener les politiques nationales dans la stabilité et ménager l'ordre social pour éviter une escalade des tensions", a-t-il déclaré lors d'un conseil des ministres, appelant partisans et adversaires de la présidente destituée à "tirer un trait sur les conflits et la confrontation".

S'il décidait de démissionner pour se présenter à l'élection, comme le spéculent certains médias coréens, il serait remplacé par son ministre des Finances.

Le juge présidant la Cour, Lee Jung-mi, a expliqué la décision du tribunal par le fait que Park Geun-hye a violé la Constitution et la loi "pendant tout son mandat" et qu'elle a cherché à dissimuler ses agissements malgré les demandes d'explication de la presse et de la rue.

"Nous écartons Park Geun-hye de son poste (...) dans l'intérêt de la protection de la Constitution", a-t-il déclaré pendant l'audience.

Fille de l'ancien dictateur Park Chung-hee, Park Geun-hye, qui est âgée de 65 ans, est accusée, avec une amie et un ancien conseiller, tous deux mis en examen, d'avoir fait pression sur de grandes entreprises sud-coréennes pour qu'elles fassent des dons à deux fondations mises en place pour soutenir ses initiatives politiques.

POURSUITES JUDICIAIRES EN VUE POUR PARK

La première femme à avoir accédé à la présidence de la Corée du Sud, dont le mandat de cinq ans devait s'achever en février 2018, a perdu son immunité en même temps que son poste, et pourrait désormais être traduite en justice.

Elle conteste les faits qui lui sont reprochés mais s'est néanmoins excusée pour sa négligence dans les relations avec son amie, Choi Soon-sil.

A l'automne dernier, quand le scandale a éclaté, des manifestations monstres ont lieu tous les samedis à Séoul pendant six semaines pour exiger la démission de la présidente. Celle-ci a finalement été suspendue et déchue de ses prérogatives par les députés lors d'un vote le 9 décembre.

"Nous avons réussi ! Nous, les citoyens, le peuple souverain de ce pays, nous avons ouvert un nouveau chapitre de notre Histoire", s'est réjoui Lee Tae-ho, chef de file de la contestation populaire, lors d'un rassemblement des adversaires de Park à Séoul.

Selon un récent sondage, 70% des Sud-Coréens étaient favorables à sa mise à l'écart.

La confirmation de cet "impeachment" par la Cour n'a pas fait de vagues à la Bourse de Séoul, où l'indice phare KOSPI a terminé en petite hausse. Le régulateur financier du pays a assuré que la mise à l'écart de Park n'aurait pas de répercussions négatives.

L'agence de notation Moody's a quant à elle salué la décision qu'elle juge de nature à lever les incertitudes politiques entourant la Corée du Sud.

La destitution de Park Geun-hye intervient néanmoins dans une période difficile pour la Corée du Sud après de nouveaux essais de missiles nord-coréens et l'annonce du déploiement anticipé du bouclier antimissile américain THAAD, qui a provoqué la colère de la Chine.

L'armée américaine a confirmé qu'elle fournirait les composants du système antimissile, séparant la question de la sécurité et la crise politique dans le pays.

"Nous avons une relation forte avec la Corée du Sud et nous continuerons à travailler avec elle. Il s'agit d'une question interne dans laquelle les Etats-Unis ne prennent pas position concernant les résultats de l'élection", a dit Sean Spricer, le porte-parole de la Maison blanche.

Dans les sondages, avec 32% des intentions de vote, le libéral Moon Jae-in, favorable à une politique de dialogue avec le régime de Pyongyang et désireux de revoir l'installation du système THAAD, fait la course en tête en vue de la présidentielle anticipée. (Avec Ju-min Park et James Pearson; Tangi Salaün et Henri-Pierre André pour le service français)