* Burberry renonce à détruire ses invendus

* Les clients de plus en plus sensibles au gâchis

* Chanel déclare "tout faire" pour éviter les destructions

* Kering, LVMH et Hermès se refusent à tout commentaire

par Pascale Denis

PARIS, 6 septembre (Reuters) - En annonçant qu'il va cesser de détruire ses invendus, Burberry lève le voile sur un sujet tabou dans l'industrie du luxe et met la pression sur un secteur qui redouble d'efforts de communication sur ses engagements en matière éthique et environnementale.

La griffe britannique a annoncé jeudi qu'elle ne brûlerait plus ses invendus, dans le cadre de son nouveau plan de responsabilité sociale et environnementale visant notamment à s'attaquer au gâchis.

Pour y parvenir, elle recyclera, réparera ou donnera les produits qui n'auront pas pu être écoulés.

"Etre moderne, dans le luxe, c'est être responsable sur le plan social et environnemental", a déclaré Marco Gobbetti, PDG de la marque au tartan.

Face à l'ampleur de ses destructions de vêtements et cosmétiques - liées au changement de directeur artistique, à la multiplication des lignes et à l'échec de l'internalisation de ses parfums - Burberry avait été contraint de publier, dans ses comptes annuels clos en mars, que leur montant avait atteint 28,6 millions de livres (31,8 millions d'euros).

"Cette annonce devrait mettre la pression sur un secteur qui devra, à terme, être plus transparent. Car la prise de conscience des enjeux du développement durable progresse lentement mais sûrement chez les clients du luxe", estime Luca Solca, analyste d'Exane BNP Paribas.

Pour Serge Carreira, maître de conférence à l'Institut d'études politiques de Paris, "il y a chez les consommateurs aujourd'hui une exigence de transparence et de traçabilité d'autant plus grande que vous êtes dans le secteur du luxe".

Dans une industrie qui revendique l'excellence en tout point, les destructions de produits constituent un sujet tabou, pour certains du moins.

DESTRUCTIONS LIMITÉES

Si les grands groupes font assaut de communication sur leurs engagements pour le développement durable, dans un secteur où les enjeux d'image sont cruciaux, ni LVMH, propriétaire de Louis Vuitton ou Christian Dior, ni Kering (Gucci ou Saint Laurent), ni Hermès n'ont souhaité s'exprimer jeudi sur ce sujet.

Chanel, en revanche, a fait savoir qu'elle "faisait tout pour éviter cette pratique".

"La stratégie de Chanel, qui consiste à ne lancer la production de ses collections que lorsqu'elle reçoit les commandes des acheteurs, limite considérablement les stocks d'invendus", a précisé la griffe dans un mail envoyé à Reuters.

De l'avis des spécialistes, les destructions sont au total limitées, les maisons écoulant leur marchandise grâce aux soldes où aux ventes spéciales destinées à leur personnel ou à la presse.

Par ailleurs, relève Serge Carreira, "les collections sont plus petites et la gestion des stocks et des magasins s'est beaucoup affinée, avec des niveaux d'invendus beaucoup plus faibles que par le passé".

Chanel, qui a confirmé organiser une fois par an des ventes spéciales pour ses employés et ses "partenaires", a également indiqué réfléchir à la meilleure façon de recycler les produits, en particulier ceux qui sont endommagés.

Louis Vuitton, première marque mondiale de luxe détenue par LVMH et qui contrôle son image en ne vendant ses produits que dans son réseau de magasins, ne pratique jamais de soldes.

Gucci (groupe Kering), qui a elle aussi renoncé aux soldes depuis sa spectaculaire relance, écoule quant à elle ses invendus dans des magasins de déstockage ("outlet").

"Je préfère que les produits soient vendus dans ces circuits là plutôt que d'avoir à les détruire. C'est plus responsable", avait déclaré en juin le PDG de la marque italienne, Marco Bizzarri, en marge d'une conférence destinée aux investisseurs.

Burberry a également confirmé jeudi renoncer à l'utilisation de la fourrure animale dans ses collections et ce dès le premier défilé de son nouveau directeur artistique Riccardo Tisci, prévu le 17 septembre.

La marque britannique emboîte ainsi le pas à Stella McCartney, la pionnière, qui a banni depuis ses débuts toute utilisation de cuir naturel, ainsi qu'à Versace et Gucci.

(Pascale Denis, avec Kate Holton à Londres, édité par Jean-Michel Bélot)