Buenos Aires (awp/afp) - Le gouvernement argentin a prolongé jeudi pour la seconde fois le délai qu'il avait fixé pour la restructuration de sa dette de 66 milliards de dollars, en fixant le 2 juin comme nouvelle date, a annoncé le ministère de l'Economie.

La prolongation de la période de négociation de seulement dix jours semble montrer que le gouvernement argentin et ses créanciers sont proches d'un accord, bien que la nouvelle date limite ne soit pas forcément définitive, comme l'a annoncé jeudi le gouvernement.

Les tractations devaient aboutir à l'origine au plus tard le 8 mai mais, en l'absence d'accord, elles avaient été étendues jusqu'à vendredi, date à laquelle est dû le paiement d'intérêts de 500 millions de dollars. S'il n'est pas annulé, le pays sera en défaut de paiement.

Il semble acquis que ce paiement ne sera pas honoré car le gouvernement a inclus les trois titres de l'échéance, appelés 2021, 2026 et 2046, dans le plan de restructuration et il considère la date du 22 mai comme "anecdotique", selon le mot du ministre de l'Economie Martin Guzman.

"J'ai lu dans les journaux que nous risquions de tomber en défaut demain (vendredi) et je me suis demandé pourquoi ils mentent comme ça. Nous sommes en défaut depuis des mois, depuis avant décembre mais ils ne l'ont pas écrit", a déclaré jeudi le président de centre-gauche Alberto Fernandez, avant l'annonce du nouveau report.

"Si la majorité (des créanciers) est d'accord pour un échange, le défaut sera très court. Je ne pense pas qu'il y aura une coupure des lettres de crédit", qui empêcherait des importations essentielles comme par exemple des équipements médicaux, relève auprès de l'AFP l'économiste Marina Dal Poggetto de la société EcoGo.

"Mais s'ils bloquent la négociation, nous allons le payer cher", souligne-t-elle.

Si le défaut a lieu, ce sera le neuvième de l'histoire de l'Argentine. Le plus récent remonte à 2001, avec un défaut historique de 100 milliards de dollars qui avait déclenché la pire crise sociale et économique du pays.

Près de vingt ans après, l'Argentine se trouve à nouveau en mauvaise posture: l'économie est en récession depuis deux ans, l'inflation a atteint des sommets (53% en 2019) et la pauvreté n'a cessé de grimper (33% en 2019).

La pandémie du nouveau coronavirus a drastiquement ralenti l'activité économique et a forcé le gouvernement à débloquer des fonds pour atténuer ses effets sur les habitants et les entreprises les plus vulnérables.

La négociation continue

Le ministre de l'Economie avait déjà déclaré cette semaine que les négociations seraient prolongées au-delà de vendredi.

Parallèlement, Hans Humes, PDG de Greylock, l'un des principaux fonds créanciers de l'Argentine, avait estimé qu'il était possible que "le gouvernement fasse preuve de suffisamment de souplesse pour parvenir à un accord acceptable".

"Je pense que les grands créanciers comprennent que trouver une solution (...) est dans leur propre intérêt", a-t-il ajouté.

Une source impliquée dans les discussions avait aussi indiqué, avant l'annonce du ministre, que la "restructuration serait prolongée en juin". "Le gouvernement ne paiera pas les 500 millions de dollars et les fonds n'auront pas recours à la justice. Il y a un défaut mais la négociation continue", avait expliqué cette source à l'AFP.

Le Fonds monétaire international, qui soutient l'Argentine dans sa restructuration, s'est dit confiant face à "la volonté des deux parties de poursuivre les discussions pour parvenir à un accord", selon son porte-parole Gerry Rice.

D'après le calendrier de la dette, d'autres échéances d'intérêts sont prévues fin juin. Avec un délai de grâce de 30 jours, le pays pourrait compter sur un répit jusqu'à fin juillet.

Mais s'il n'y a pas d'accord à cette date, "les détenteurs d'obligations penseront probablement qu'il sera plus commode de faire appel à la justice, étant donné la difficulté pour l'Argentine de parvenir à un accord à court terme", estime Ignacio Labaqui de Medley Global Advisors.

Une situation de défaut de paiement permet en effet aux créanciers d'exiger devant la justice internationale une "accélération" du remboursement de la dette, à savoir la demande de son paiement intégral.

Autre menace: que des fonds spéculatifs, connus sous le nom de "fonds vautours", acquièrent la dette argentine à bas prix avant de se tourner vers la justice internationale. En 2014, ils avaient déjà remporté une victoire judiciaire contre l'Argentine.

afp/al