CITÉ DU VATICAN, 31 décembre (Reuters) - L'ancien pape Benoît XVI, décédé dimanche à l'âge de 95 ans, était devenu en 2013 le premier pontife en 600 ans à démissionner d'une charge jusqu'alors occupée jusqu'au décès, marquant la fin du pontificat d'un théologien réputé brillant et intransigeant.

Premier pape allemand en l'espace de 1.000 ans, Benoît XVI avait été élu le 19 avril 2005 pour succéder au très populaire Jean-Paul II, qui a dirigé l'Eglise catholique durant 27 ans. Avec ce choix, les cardinaux souhaitaient assurer une continuité en plaçant selon l'un d'eux le pontificat entre "des mains sûres".

Joseph Ratzinger, de son nom civil, a quitté l'Allemagne et son poste d'archevêque de Munich en 1982 pour prendre la tête de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (CDF), qu'il dirigea pendant près de 25 ans.

Les mesures disciplinaires que ce conservateur a prises à l'encontre des prêtres latino-américains qui promouvaient la théologie de la libération d'inspiration marxiste lui ont valu le surnom de "Rottweiler de Dieu".

En tant que pape toutefois, Benoît XVI a peiné à gérer l'Eglise et admis lui-même un "manque de volonté de gouverner et de prendre des décisions". Son pontificat de huit ans a été marqué par de nombreux faux pas et une affaire retentissante de fuites de documents officiels, dite "Vatileaks".

Benoît XVI s'est mis à dos les musulmans en paraissant suggérer que l'islam était intrinsèquement violent et a provoqué la colère des juifs en réhabilitant un négationniste de l'Holocauste. Il a également suscité la consternation internationale en déclarant que l'utilisation de préservatifs dans la lutte contre le sida ne faisait qu'aggraver le problème.

DES SANCTIONS CONTRE LES PRÊTRES PÉDOPHILES

Le scandale "Vatileaks" de 2012 a contribué à affaiblir encore son pontificat. L'intendant de Benoît XVI, Paolo Gabriele, a divulgué des documents secrets révélant la corruption et les querelles au sein du Vatican.

L'année suivante, Benoît XVI présentait sa démission à la surprise générale, affirmant ne plus avoir la force physique et mentale pour diriger l'Eglise catholique.

Les scandales d'abus d'enfants ont aussi hanté la majeure partie de son pontificat, mais on lui attribue le mérite d'avoir lancé le processus disciplinaire ou de révocation des prêtres accusés d'abus après un climat plus laxiste sous Jean-Paul II.

Benoît XVI a ordonné une enquête sur les abus commis en Irlande, qui a conduit à la démission de plusieurs évêques. Il a également sanctionné le défunt prêtre mexicain Marcial Maciel, fondateur de la Légion du Christ (LC), et l'un des prédateurs sexuels les plus notoires de l'Église. Le Vatican, sous le pape Jean-Paul II, n'avait pas pris de mesures contre Marcial Maciel malgré les preuves accablantes de ses crimes.

En 2022, un rapport indépendant publié en Allemagne a affirmé que Benoît XVI n'avait pas pris de mesures pour quatre cas d'abus lorsqu'il était archevêque de Munich entre 1977 et 1982. L'ancien pape a reconnu dans une lettre personnelle emplie d'émotion que des erreurs avaient été commises et a demandé le pardon.

CONFUSION DES "DEUX PAPES"

S'il avait promis de se montrer discret après sa retraite, Benoît XVI a néanmoins écrit, donné des interviews et, volontairement ou non, est devenu une figure de référence pour les conservateurs opposés au pape François.

Certains loyalistes n'ont pas accepté sa démission et ont continué à le considérer comme le pape légitime. La confusion des "deux papes" a été aggravée par le fait que Benoît XVI a choisi de continuer à porter du blanc et à être désigné comme "pape émérite".

La situation a conduit conservateurs et libéraux à demander des changements dans le droit canonique afin de réglementer les fonctions et le statut des anciens papes.

Elle a aussi inspiré le film "Les Deux Papes", sorti en 2019, qui explore de façon fictive une amitié nouée entre le pape Benoît XVI, incarné par l'acteur Anthony Hopkins, et son successeur François avant l'annonce de sa démission.

Benoît XVI a écrit plus de 60 livres entre 1963, lorsqu'il était prêtre, et 2013, lorsqu'il a démissionné de son pontificat. "En réalité, je suis plutôt un professeur, une personne qui réfléchit et médite sur des questions spirituelles", a-t-il déclaré après sa démission.

Grand amateur d'oeuvres classiques, il jouait du piano et avait une préférence pour Mozart et Bach. Il était en revanche peu adepte du rock 'n' roll, qu'il considérait comme "l'expression de passions viles", et a un jour qualifié la musique populaire de "culte de la banalité". (Reportage Philip Pullella ; version française Jean Rosset, édité par Blandine Hénault)